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A bras-le-coeur

Des montagnes sèches et arides de la région d’Oran, à la boue des bidonvilles de Nanterre, le dernier livre de Medhi Charef, également auteur dramatique et cinéaste, nous fait voyager dans un pays extraordinaire : celui de l’enfance. C’est bien cette époque de la vie qu’il s’agit de prendre à bras le cœur. Une période que l’écrivain, parti d’Algérie à l’âge de 10 ans, n’avait pas encore osé affronter.

Des montagnes sèches et arides de la région d’Oran, à la boue des bidonvilles de Nanterre, le dernier livre de Medhi Charef, également auteur dramatique et cinéaste, nous fait voyager dans un pays extraordinaire : celui de l’enfance. C’est bien cette époque de la vie qu’il s’agit de prendre à bras le cœur. Une période que l’écrivain, parti d’Algérie à l’âge de 10 ans, n’avait pas encore osé affronter.
Son roman autobiographique explore aussi bien l’enfance heureuse, malgré les pieds nus et les pauvres hardes, où l’on se sent “comme le roi des aigles”, que malheureuse car la guerre pour l’indépendance fait rage et le père, parti en France pour subvenir aux besoins de la famille, est douloureusement absent.
Mais, c’est le regard plein d’humanité et de générosité de ce gamin vif et débrouillard qui l’emporte, lorsqu’il dépeint tous ces personnages pittoresques qui peuplent la médina de Marnia : l’écrivain public, la serveuse du café français, l’imprimeur aux doigts bleus, le marabout, etc… Des êtres chers, qu’il va devoir abandonner. Comme Hanna la grand-mère.
Car un jour, il faut rejoindre le père, dans le taudis du bidonville de Nanterre. Là, l’enfant pressent la perte irrémédiable : “Je suis en France et j’ai honte. De qui, de quoi ? Je suis trop petit pour le savoir. Je comprends seulement, sans qu’on ait besoin de me l’expliquer que tout ce que j’ai vécu avant n’a plus droit de cité ici. Mon ancienne personnalité est morte. J’essaie de me donner du courage et je me répète en boucle la phrase qui tue : 'l’enfant que j’ai été ne vaut plus rien ici...'”
Un style émouvant et maîtrisé, qui court sur toutes les pages, pour dire la chaleur et la sensualité de l’Algérie qui tranche avec la grisaille et la froideur de la France.

Sandrine Martinez
Mehdi Charef, A bras-le-coeur, Mercure de France, 2006, 187 pages, 14,80 euros.

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