Acquisition de planches de lithographie de Honoré Daumier

Honoré Daumier (Marseille, 1808- Valmondois, 1879) est un graveur, caricaturiste, peintre et sculpteur français, dont les œuvres commentent la vie sociale et politique française au XIXème siècle. Grand observateur de son temps, dessinateur prolifique, il est l’auteur de plus de quatre mille lithographies

En 1830, Daumier commence une carrière de caricaturiste politique, en faisant des lithographies pour la revue satirique La Caricature où il connaît le succès pour ses portraits charge des politiciens de la monarchie de Juillet.
Condamné en 1832 à six mois de prison pour sa caricature de Louis-Philippe représenté en Gargantua, il continue néanmoins son activité de caricaturiste politique jusqu'en 1835, date de la loi sur la censure de la presse, et de la cessation de parution de La Caricature.
Il entame alors le second acte de sa carrière, dédié à la satire des mœurs bourgeoises. En 1860, renvoyé du Charivari, il se consacre à la peinture et à la sculpture, mais avec un succès moindre. À partir de 1865, il quitte Paris pour Valmondois et publie ses dernières lithographies dans Le Charivari en 1872. En avril 1878, une rétrospective de ses œuvres est organisée par la galerie Durand-Ruel, présidée par Victor Hugo. Complètement aveugle, Daumier n’y assiste pas et meurt l’année suivante.

Les vingt planches de la série Les étrangers à Paris, publiées dans Le Charivari entre juin et août 1844, s’inscrivent dans ce second acte de la carrière de Daumier, dans laquelle il s’attèle à la satire sociale et à la caricature des mœurs de la bourgeoisie et de la société contemporaine. Son éventail de figures pour ses scènes caricaturales passe du modèle individuel, avec le portrait-charge, au type social. Il s’inscrit en cela pleinement dans la vogue de la littérature panoramique, à laquelle il participe, et qui accompagne la mise en évidence de types sociaux.
S’attaquant à l’univers de la bourgeoisie, Daumier scrute les gestes et physionomies des passants, qu’il campe dans le décor parisien, quais de Seine, boulevards, coin de rue, qui servent de théâtre à ses planches comiques, caustiques ou sarcastiques.

Dans la série Les étrangers à Paris, Daumier met en scène un couple d’étrangers singeant les gestes et les mœurs de la bourgeoisie parisienne. Dans ses dessins sarcastiques, il confronte ces étrangers à plusieurs déconvenues, chez le tailleur, dans la rue, au sortir d’un restaurant ou quittant un bal.
La planche n°15, intitulée Les étrangers dévisagés par eux-mêmes nous renseigne sur l’identité de ces « étrangers ». En effet, elle met en scène deux couples, venant respectivement de Carpentras et de Quimper.
Cet élément vient mettre en évidence les contours encore flous de la catégorie d’étranger en ce milieu de XIXème siècle, et la distinction encore poreuse entre non nationaux et étrangers de l’intérieur que sont les ressortissants des différentes régions françaises.
On retrouve notamment cette association de ces deux types « d’étrangers » dans les planches d’imagerie populaire, comme par exemple le Jeu des peuples produit par l’imprimerie de Wissembourg à partir du milieu du XIXème siècle (MNHI, inv. 2020.8.12).

Les régimes politiques successifs de la première moitié du XIXème siècle s’attacheront de plus en plus à distinguer juridiquement les étrangers des nationaux. Les étrangers seront distingués pour la première fois dans le recensement général de la population de 1851.