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Dernier maquis

Il se fait appeler Mao, peut-être à cause d’une jeunesse tiers-mondiste et militante (le réalisateur assume toutes les ambiguïtés du rôle principal). Le voilà devenu patron d’une entreprise aux confins d’une banlieue assez sinistre...

Il se fait appeler Mao, peut-être à cause d’une jeunesse tiers-mondiste et militante (le réalisateur assume toutes les ambiguïtés du rôle principal). Le voilà devenu patron d’une entreprise aux confins d’une banlieue assez sinistre. À défaut d’être florissante, son affaire s’est diversifiée : moitié casse automobile et réparation de véhicules, moitié réfection et stockage de palettes à destination de la zone industrielle environnante et de la grande distribution. Le tout bariolé d’un rouge éclatant, plus par affinité esthétique que par proclamation agressive de convictions obsolètes. Bon Musulman, comme semblent l’être uniformément tous les siens, Mao a religieusement sélectionné son personnel : des Maghrébins comme lui, cadres et ouvriers spécialisés, des Sénégalais manœuvres et même un converti (l’étonnant Christian Milia-Darmezin) qui par excès de zèle et pour éviter les railleries des collègues, vient de s’infliger à vif le supplice de la circoncision. Sa décision d’ouvrir une mosquée sur les lieux de travail pourrait passer pour de la piété partagée, si la nomination, sans concertation, d’un imam d’importation ne venait semer le trouble. Celui-ci (Larbi Zekkour) semble investi d’une mission plus politique et sournoise. L’imam suppôt des intérêts du patronat ? L’Islam chien de garde du capitalisme ? Pas si vite ! Des tapis de haute laine, troqués auprès de cousins marchands, peuvent encore adoucir les mœurs et différer les augmentations , briser la grève… Sinon ce sera le conflit ouvert. Le licenciement sec des fortes têtes. Ramené à cette simple intrigue, le film pourrait passer pour un brûlot, déplaçant et réactivant la lutte des classes. Ce que l’auteur appelle « une tragédie prolétarienne » . Il n'en est (presque) rien. Le décor, planté comme au théâtre, et les symboles supplantent l'action. Le rouge des palettes proclame plus le parti pris esthétique que la révolution. Leur entassement monochrome laisse filtrer la lumière vers les barres des HLM. Le ragondin captif tourne dans sa cuve, se révolte inutilement jusqu'à sa libération et son retour vers les rives sauvages. Les interprètes ont l'air de créer sur le tas leur personnage. Le miracle est qu’il se dégage de cet ensemble hétérogène, picturalement saturé, une intense émotion. André Videau
Réalisé par Rabah Ameur Zaïmèche Avec Rabah Ameur-Zaimeche, Mamadou Kebe, Mamadou Koita, Larbi Zekkour, Christian Milia-Darmezin, Salim Ameur-Zaimeche, Abel Jafri, Sylvain Roume Film Franco-algérien Genre : comédie dramatique Durée : 1h33 mn Année de production : 2008 Date de sortie : 22 octobre 2008 Distribué par Sophie Dulac Distribution