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Fuck you New York

Premier roman pour ce jeune journaliste qui mêle ici sa passion pour le cinéma américain, les séries et la musique d’outre-Atlantique. Kamel Hajaji raconte comment Maleck, un jeune français parti à New York pour une année universitaire, tombe dans la parano au point de devenir fou : le rêve new yorkais se transforme en cauchemar dès le passage par une douane inquisitoriale qui marque définitivement le jeune homme qui se découvre « arabe »…

Premier roman pour ce jeune journaliste qui mêle ici sa passion pour le cinéma américain, les séries et la musique d’outre-Atlantique à une histoire répétitive qui perd en crédibilité à mesure justement que se multiplient les rappels. Kamel Hajaji raconte comment Maleck, un jeune français parti à New York pour une année universitaire, tombe dans la parano au point de devenir fou. Il faut dire que le rêve new yorkais se transforme vite en cauchemar. Le passage par une douane inquisitoriale marque définitivement le jeune homme qui se découvre « arabe », lui qui sa vie durant s’est cru Français, occidental et même « branleur qui se masturbe sur des rêves made in US ». Deux ans après le 11 septembre la douane américaine en juge autrement. A partir de ce moment fondateur, le livre raconte la lente dérive paranoïaque du jeune homme, une dérive qui le conduit fissa dans un hôpital psychiatrique. Malgré la répétition d’épisodes qui parfois donnent l’impression de tourner à vide où, au souvenir des gros bras de la douane, Maleck perd les plombs, Kamel Hajaji réussit tout de même, ici ou là, à rendre, quasi physiquement, le traumatisme, la déstructuration, la perte de repères. Maleck s’enferme dans sa solitude et sa souffrance, avant de se décider au grand saut rappelant les vers de l’Algérien Mourad Djebel : « Vos tentatives d’identifications laconiques – à entêtes réglementaires – policière / mes empreintes génitales / genèse de vos geignement passés et à venir / s’y refusent / qu’ils me classent / sans ma participation me répartissent / dans toutes les cases pré ou post mortem ». Le thème unique et récurrent – actualisation tout de même de quelques pages de Sartre ou de Fanon – porte sur les effets destructeurs du regard de l’autre sur l’équilibre identitaire et la psychologie d’un individu à qui l’on dénie la qualité d’humain et de semblable, le renvoyant à une identité non seulement différente et unique mais aussi fantasmée. Pour paraphraser Sartre : l’Arabe ici n’existe pas, le douanier américain l’a inventé. Voilà qui est tout de même d’actualité, et le droit à l’indifférence revendiqué entre les lignes peut s’adresser aussi bien aux USA, à la France (« elle a toujours cherché à faire de moi l’outsider du futur ») qu’aux enfermements communautaristes en tout genre. Kamel Hajaji écrit comme l’on parle mais il y met du rythme et de la nervosité, même si parfois il semble abuser de quelques vulgarités et expressions scato. Quant à l’usage répété d’expressions américaines, pourquoi pas ici ? Gageons que ces quelques lignes offertes d’entrée au lecteur augurent d’autres romans : « Bien sûr que je sais placer des mots biens propres, bien peignés les uns derrière les autres. A l’école on t’apprend à coucher du mensonge sur du papier, rien de plus facile. Tous le font, avec pour salaire la gloire, ouais, super ! Tous ces pseudo-écrivains de chez LaDurée and co qui te balancent leur sauce littéraire, assaisonnée façon foutage de gueule, et toi tu gobes, tu trempes ton pain quotidien dans ces lectures sans tripes… Ecoute mec, m’en veux pas si je te balance des vérités sans faux-semblants ni patins ni couffins. Etant donné le traumatisme, faut que je dégueule sec ». Un lecteur averti… Mustapha Harzoune
Kamel Hajaji, Fuck you New York, édition sarbacane, 2009, 211 pages, 15€