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Hammam & Beaujolais

Nadia Khouri-Dagher est une Libanaise née à Ismaïlia en Égypte et installée en France depuis des années. Journaliste et essayiste elle s’est spécialisée dans le monde arabe, le monde des migrations et donc les questions culturelles et identitaires. Dans Hammam & Beaujolais, elle livre, sous la forme d’un lexique subjectif et plaisant, son expérience de la migration, de l’exil, son expérience de ce qu’il faut bien appeler la mondialisation des êtres et des cultures.

Nadia Khouri-Dagher est une Libanaise née à Ismaïlia en Égypte et installée en France depuis des années. Journaliste et essayiste elle s’est spécialisée dans le monde arabe, le monde des migrations et donc les questions culturelles et identitaires. Dans Hammam & Beaujolais, elle livre, sous la forme d’un lexique subjectif et plaisant, son expérience de la migration, de l’exil, son expérience de ce qu’il faut bien appeler la mondialisation des êtres et des cultures. Le livre s’ouvre avec le mot « accent » et se referme avec « zut » en passant par « Andalousie », « cuisine », « discrétion », « émigrants », « mince » « quartiers », « traditions », etc. Le ton est léger, les articles brefs, l’histoire familiale et personnelle de l’auteur voisinent avec des considérations plus générales, utiles à tous et à chacun. Tout cela déborde d’humour à l’image du dessin de couverture signé Chenez qui voit une jeune femme, en bikini vert et les cheveux au vent, sauter d’un narguilé-tremplin dans un ballon de vin rouge. Humour donc pour un sujet essentiel aujourd’hui : le dialogue du particulier et de l’universel, la question des appartenances plurielles, des identités composites et changeantes ou comment tout en respectant l’universalisme ne pas nier les différences, les formes particulières d’être au monde et à soi ? Nadia Khouri-Dagher répond à cette question en traquant les éléments constitutifs du devenir français, en pointant aussi les différences qui au quotidien distinguent le Français du Libanais, pour en conclure que les traditions et les façons d’être peuvent différés, l’important demeure les intentions et de ce point de vue, quelques soient les temps et les latitudes, elles sont les mêmes : vivre, partager, échanger, aimer… « mes vingt années d’anthropologie, d’études et de voyages m’ont appris que rien ne ressemble plus à une réunion de famille qu’une autre réunion de famille, l’affection d’une grand-mère à celle d’une autre grand-mère, un rire d’enfant heureux à un autre rire d’enfant heureux (…), la fierté d’une identité culturelle à celle d’une autre identité ». Hamman & Beaujolais est un hymne à l’échange, au partage, à la compréhension de l’autre… et la démonstration que les différences culturelles sont bien relatives, à tout le moins, bien peu sources de conflits entre les hommes - si les hommes n’en décidaient autrement. Ayant dépassée le mode conflictuel de la « dualité d’appartenance » - entre ici et là-bas, entre la France et le Liban -, Nadia Khouri-Dagher dit avoir compris « que les identités ne sont pas des vases communicants (…) mais [qu’] au contraire [elles] s’additionnent ». « Identité [il n’y a aucune entrée pour ce mot…] : qu’est-ce que l’identité ? Moi je suis latino-américaine, brésilienne dans mon cœur, si je le veux, puisque je le sens ». Cette facilité à s’approprier, à le vouloir en tout cas, telle ou telle identité, à ressentir tel ou tel trait culturel doit avoir pour corollaire la possibilité de s’en détacher tout aussi facilement, la possibilité de refuser les assignations à résidence, culturelle ou autre. A ce propos, dans le magazine Afriscope daté d’avril 2008, parlant du dernier film d’Alain Gomis, Andalucia, Olivier Barlet évoque le « besoin d’exister » de Yacine, le personnage principal, interprété par Samir Guesmi, son besoin « de sortir de l’identité, de s’en détacher pour atteindre une certaine légèreté ». Et, citant le réalisateur : « la légèreté peut être culpabilisante : c’est lâcher des combats, conclut Gomis. Le droit à la légèreté n’est pas si simple : c’est s’oublier, ça coûte énormément ! ». Oui Nadia Khouri-Dagher nous entretient légèrement de choses sérieuses. Essentielles. Mustapha Harzoune
Nadia Khouri-Dagher, Hammam & Beaujolais, éd. Zellige, 2008, 220 pages, 19€.