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Harragas

Les harragas, ou brûleurs, ainsi sont appelés au Maghreb ceux qui, à leurs risques et périls, tentent de franchir la Méditerranée pour fuir leur pays ou, d’une manière plus générale, le continent africain. Pour éviter toute « traçabilité » en cas de capture, les passeurs exigent souvent que ces candidats à l’exil restent dans l’anonymat et brûlent devant témoins tous leurs papiers d’identité. Qu’ils succombent ou survivent aux affres de la traversée, en tout état de cause, ils auront tiré un trait définitif sur leur passé.

Les harragas, ou brûleurs, ainsi sont appelés au Maghreb ceux qui, à leurs risques et périls, tentent de franchir la Méditerranée pour fuir leur pays ou, d’une manière plus générale, le continent africain. Pour éviter toute « traçabilité » en cas de capture, les passeurs exigent souvent que ces candidats à l’exil restent dans l’anonymat et brûlent devant témoins tous leurs papiers d’identité. Qu’ils succombent ou survivent aux affres de la traversée, en tout état de cause, ils auront tiré un trait définitif sur leur passé. De nombreuses images (films, documentaires, « sujets télé », reportages…) nous informent sur ce douloureux et périlleux exode. Pouvant venir des trois pays du Maghreb, de l’Afrique de l’Ouest - Mauritanie, Sénégal, Mali…- ou du sud saharien, des hommes, mais aussi des femmes, des enfants, des vieillards, ont quitté parfois clandestinement leurs terres ingrates pour rejoindre des repères du littoral où ils vont, à prix d’or, négocier une place sur des embarcations pourries, les pateras, pour commencer leur odyssée maritime. Premières étapes : les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, Gibraltar, la Sicile, la Sardaigne, les Canaries, Malte, Chypres, Lampedusa… avant les eldorados européens d’Espagne, de France, d’Italie, de Grande Bretagne. A travers une vingtaine de films et téléfilms, depuis son génial coup d’essai Omar Gatlato (1976) jusqu’au très récent Tamanrasset (2008), Merzak Allouache s’est toujours intéressé aux faits de société ayant des résonnances dans la vie de ses concitoyens et des incidences sur l’histoire de son pays, l’Algérie. Passé, présent et devenir. Ses marques de fabrique ont souvent été la sincérité et l’humour, développées au fil de comédies légères : Bab el Oued City (1983), Salut cousin ! (1995), Bab el Web (2004), parfois un peu plus lourdes : Chouchou (2003). Le sujet de Harragas est plus grave. Une dizaine de postulants au départ en pateras se retrouvent dans une crique des environs de Mostaganem (ville à 200km à l’ouest d’Alger dont l’auteur est originaire et où il a pu trouver, notamment auprès du théâtre local, les comédiens idoines). Pour l’efficacité du propos, les personnages sont très typés. D’abord les salauds, dont le cynique Hassan (Okacha Touita), passeur d’homme sans foi ni loi comme il y a des marchands de canon ou des trafiquants d’organes, et Mustapha le policier en cavale (Samir El Hakim) prêt à user encore de son arme pour sauver sa peau. Les deux montrent la déliquescence des idéaux de l’Algérie et servent en quelque sorte d’excuse au personnage de Hakim, le frérot (Mohamed Takerrat), qui croit trouver dans la religion une valeur refuge. Reste la génération flouée ; Rachid (Nabil Asli), sa copine Imène (Lamia Boussekine) et son pote Nasser (Seddik Benyagoub), capables de surmonter toutes les avaries et toutes les avanies pour atteindre une improbable Andalousie, gagnée à la nage. Restent enfin, plus victimes des turpitudes du monde, le chœur pathétique des sacrifiés Africains, nourris de spaghettis, ne sachant ni parler l’Arabe local, ni nager…. L’histoire nous est contée avec une réelle empathie pour ses humbles héros, même si, ici ou là, se glisse quelque ambiguïté. Pourtant il nous semble que certaines vraies questions ne sont pas posées. Ces efforts surhumains sont-ils inutiles et voués à l’échec ? Ici ce n’est pas plus le paradis que là-bas le pactole mais que penser d’un pays à l’opulente rente pétrolière qui se gère depuis des années en faisant la fortune des oligarques et en désespérant sa jeunesse avide de savoir et de création ? On attendait peut-être quelques réponses moins timides. André Videau
Réalisé par Merzak Allouache Avec Lamia Boussekine, Nabil Asli, Samir El Hakim Long-métrage français, algérien. Genre : Drame Durée : 1h35 min Année de production : 2009 Date de sortie cinéma en France : 24 février 2010