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Le Dissident chinois

Le Dissident chinois est le premier roman de Nell Freudenberger. Agée de 35 ans à sa sortie en 2006, l’auteure, new-yorkaise, figura, la même année, dans la liste des meilleurs jeunes espoirs de la revue Granta.

Yuan Zhao vient passer une année à Los Angeles au sein de la respectable famille Travers. Entre les cours qu’il donne à l’école de filles St Anselm’s, l’artiste et dissident chinois doit préparer une exposition pour la fin d’année. Mais voilà Yuan Zhao ne parvient pas à travailler. Il ne fait que recopier un rouleau, « Liu Chen et Ruan Zhao dans les monts Tiantai », l’unique œuvre passée à la postérité d’un artiste de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe, Zhao Cangyun. Troublé, Yuan Zhao s’intéresse de très près au travail d’une de ses étudiantes, June, une jeune fille, d’origine chinoise. Yuan Zhao se présente comme un dissident chinois. Un ancien de Tien An Men et l’un des membres du mouvement artistique dit de l’East Village qui fit parler de lui au début des années 90 à Pékin. Du côté des Travers tout part à vau-l’eau : les gamins, le couple que forment Gordon, le père psychologue passionné de généalogie et passablement ennuyeux et Cece, son épouse, à qui incombe toutes les responsabilités parentales et les tâches domestiques y compris celle de s’occuper d’une envahissante ménagerie. Cece est amoureuse de Phil, le frère de son mari, lui-même incapable de se décider. Empêtré dans une relation avec une avocate new-yorkaise, Phil croit que ses scénarios intéressent les requins d’Hollywood. Quant à Joan, la belle-sœur, romancière sans succès, elle assaille le brave chinois de questions sur la Chine, son passé et son travail d’artiste. L’année américaine de Yuan Zhao sera mouvementée. Ses élèves lui causeront bien des soucis. Pourtant, Yuan Zhao est un excellent professeur. Est-il pour autant celui que les Travers et la communauté universitaire attendait ? Pour l’heure, il recopie toujours le même rouleau. Tout au long de ces mois, les Travers et Yuan Zhao ne font que se croiser pour, au terme de ce séjour, voir les mensonges tomber. La peinture et l’art sont au cœur du roman. C’est d’ailleurs là que se niche l’un de ses intérêts majeurs : la plongée au cœur du mouvement de l’East Village, de ses performances artistiques, des débats qui le traversent et l’histoire qui relie ce « dissident » aux principaux animateurs du mouvement. « Liu Chen et Ruan Zhao dans les monts Tiantai » de Zhao Cangyun constitue le fil rouge où s’entremêlent des questions aussi diverses que celle de la propriété des œuvres, de la dissidence en art ou encore de l’exil. Dans le rouleau, l’exil des moines est sans retour. Yuan Zhao, lui, s’empressera de rentrer en Chine. Les masques seront alors tombés. Les thèmes de la rencontre entre deux cultures, celui de l’exil et des identités sont peu développés dans le roman, laissant un arrière goût de regret, d’autant plus que le récit, long, n’est pas dépourvu de boursouflures. Le Dissident chinois est le premier roman de Nell Freudenberger. Agée de 35 ans à sa sortie en 2006, l’auteure, new-yorkaise, figura, la même année, dans la liste des meilleurs jeunes espoirs de la revue Granta. Nell Freudenberger avait écrit un premier recueil de nouvelles, Lucky Girls, traduit en 2008 chez le même éditeur. Mustapha Harzoune
Nell Freudenberger, Le Dissident chinois édition Quai Voltaire/La Table ronde, 2010, 445 pages, 23 €.