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Les bains de Kiraly

Mémoire et quête des origines sont censées constituer le fil conducteur de ce premier roman, court mais dense, écrit avec élégance et sensibilité par Jean Mattern, par ailleurs directeur de collection chez Gallimard. Mémoire et quêtes des origines mais aussi et peut-être surtout, les ravages que le silence, les non-dits, les trous de mémoires infligent à une vie.

Mémoire et quête des origines sont censées constituer le fil conducteur de ce premier roman, court mais dense, écrit avec élégance et sensibilité par Jean Mattern, par ailleurs directeur de collection chez Gallimard. Mémoire et quêtes des origines mais aussi et peut-être surtout, les ravages que le silence, les non-dits, les trous de mémoires infligent à une vie. Á l’identité qui, pour être un devenir, a aussi besoin de s’accrocher à quelques certitudes. De certitudes, Gabriel, le narrateur n’en a aucune. Il ne sait rien des origines judéo-hongroises de sa famille. Et la mort accidentelle de sa sœur, à laisser chez l’enfant un vide nourri d’absence et de culpabilité. Le silence de ses parents, ces “ blancs ” toujours là, enfermeront Gabriel lui-même dans un silence maladif, lesté pour tout héritage paternel de la parole de Job : “ Dieu a donné, Dieu a repris ”. Un peu court pour faire le deuil de sa sœur, un peu court pour vivre, un peu court pour “ être un père pour notre enfant ”. Car Gabriel, après s’être réfugié derrière les mots et les langues des autres - comme traducteur -, a cru que la sémillante Laura le convertirait au bonheur. “ Et jusqu’à l’annonce de sa grossesse, elle avait presque réussi sa mission. ” L’arrivée de cet enfant provoque chez Gabriel un sentiment où la panique se mêle à l’absurdité et au réveil des peurs enfouies. Il s’enfuit, comme le héros du dernier Hafid Aggoune(1), abandonnant, épouse, enfant, et l’ami Léo. Difficile de saisir les ressorts qui poussent Gabriel vers de lointaines et incertaines origines. De deux choses l’une, où ici le livre ne convainc pas ou alors, cette faiblesse indique justement que le véritable propos de l’auteur est ailleurs. “ On ne devient pas juif par trois certificats de baptême ” dit Gabriel lui-même. Il semble plus instructif alors de déplacer la question : peut-on se remettre d’un défaut de mémoire, d’un traumatisme laissé à vif faute d’attentions, et passer à autre chose, c’est-à-dire rester disponible à la vie ? A soi ? Jean Mattern répond ici par la négative. Faute de savoir que faire de ces “ ombres ” surgies du passé familial, faute de “ comprendre ”, Gabriel est condamné à l’errance. Mustapha Harzoune
Jean Mattern, Les Bains de Kiraly, Sabine Wespieser éditeur, 2008, 133 pages, 17€. Site de l'éditeur : www.swediteur.com