Mes Bifurcations

Mes Bifurcations. Un joli titre pour se raconter. Celui qu’a choisi André Brink pour sa somme passionnante, 530 pages !, dans laquelle il revient sur 75 ans de vie au gré de souvenirs encore très vivants. L’auteur sud-africain y évoque son enfance dans un pays où, contrairement à aujourd’hui, il était impensable que Noirs et Blancs se fréquentent. Issu d’une famille bourgeoise à l’identité afrikaner forte, il raconte comment s’est forgée, presque malgré lui, sa conscience politique. Les rencontres qu’il a faites et ses séjours à l’étranger, à Paris notamment, lui ont permis de considérer différemment les questions raciales avant d’ouvrir les yeux sur l’Apartheid. Depuis, André Brink a été de toutes les luttes pour mettre fin au régime raciste et rend ici compte des obstacles comme des espoirs. Sans oublier de dénoncer les dérapages politiques actuels : « (…)Arrive un temps où on atteint une limite : il existe un seuil où garder le silence devient coupable. Mon temps de silence est épuisé ». Dans son livre, il rend également hommage aux femmes qui ont marqué sa vie et aux grandes figures, dont Aimé Césaire, Desmond Tutu, Mandela, bien sûr, mais surtout Camus « la révolte sans fin, le combat (…) contre l’injustice, contre le mensonge, contre la non-liberté ». Mais Mes Bifurcations relate surtout, et peut-être avant tout, le parcours d’un homme qui entretient avec la langue et le langage un rapport intime et puissant. « En qualité d’écrivains, nous n’avons rien à opposer aux horreurs de l’histoire, hormis des mots. Mais ne sous-estimons pas leur pouvoir. (…) Tant que les mots sont de notre côté, notre humanité est confirmée ». Et qui, grâce à l’écriture, de théâtre d’abord puis de romans, a su trouver sa place au sein de la société. Maya Larguet