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Nouvelles d'Afrique, Nouvelles de foot, Enfants de la balle

Ils pourraient former une équipe de foot, ces onze écrivains nés en Afrique. Mais, réunis par Abdourahman A. Waberi, ils nous offrent quelque chose de bien plus rare qu'un match : onze nouvelles qui restent dans la tête, onze fragments d'univers singuliers, tous traversés, de façon plus ou moins fugace, par le ballon rond.

Ils pourraient former une équipe de foot, ces onze écrivains nés en Afrique. Mais, réunis par Abdourahman A. Waberi, ils nous offrent quelque chose de bien plus rare qu'un match : onze nouvelles qui restent dans la tête, onze fragments d'univers singuliers, tous traversés, de façon plus ou moins fugace, par le ballon rond. Dans « Esprit de corps », de Mark Behr, Douglas est réveillé en pleine nuit par un rêve. Emergeront peu à peu les images d’une scène de son enfance : deux collégiens sont forcés de faire des pompes jusqu'à épuisement devant leurs camarades, parce qu'ils ont osé « aller sur le parking jouer au foot avec des nègres » - nous sommes en Afrique du Sud... Les deux nouvelles situées en Algérie sont d'une grande violence. Yahia Belaskri raconte dans « Blanc et noir » la balade d’un supporter ravi de la victoire de son équipe : viols et vols en série avec des potes avant le retour auprès de l'épouse apeurée. Quant à Anouar Benmalek, dans « Le penalty », il nous plonge dans la confusion mentale de Bachir : celui-ci assiste à un match, mais l'imam du coin, « un ancien délinquant d'au moins vingt-cinq ans », a profité de sa « tête qui pourrissait si vite » pour lui insuffler « la passion du djihad »... « Le clan des voleurs » de la Mauricienne Ananda Devi et « Ballon de poussière » du Congolais Wilfried N'Sondé évoquent les désillusions des jeunes joueurs repérés par des rabatteurs en Afrique. Une fois en Europe, ils sombrent dans la détresse alors que leur famille s'étonne de ne pas les voir à la télé et de ne pas recevoir d'argent - « Soka mangea enfin à sa faim, mais dépérit de l'intérieur. (...) Curieusement, les attraits du monde occidental ne l'atteignaient pas. Il avait trop froid pour s'intéresser aux téléphones mobiles ou aux voitures », écrit Ananda Devi. Ces quelques exemples donnent une idée de la diversité de ce recueil. Rien à voir avec les joueurs stars couverts de dollars, sûrement parce que la plupart de ces écrivains ont pratiqué un football de pauvres, comme Waberi, qui écrit dans la préface : « Né dans un bidonville au plein mitan de Djibouti (…) je me suis adonné à ce sport parce qu'il était le seul à ma portée : après tout on n'a besoin que d'un bout de plastique ou d'un tas de chiffon rassemblé en boule.. » Ce livre est aussi une invitation à découvrir l'œuvre de ces onze écrivains, car tous ne sont pas encore aussi connus qu'Alain Mabanckou, qui signe dans ce recueil « Nous gagnerons la Coupe du monde 2010 ». Elisabeth Lesne
Nouvelles d'Afrique, Nouvelles de foot, Enfants de la balle, Nouvelles réunies et présentées par A. A. Waberi, JC Lattès, 17 euros