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Paroles Sans papiers

Malgré des législations nationales et européennes de plus en plus répressives, des “ clandestins ” tentent toujours de fuir vers l’Europe. Paroles Sans papiers nous livre neuf bribes d'existence sous la forme d’histoires racontées, mises en scène, dessinées...

En 2000, à l’heure où les flonflons et les lumières de l’espoir accompagnaient encore l’arrivée d’un siècle nouveau, les Éditions Bérénices et le Mrap se joignaient pour publier Ecrivains/Sans papiers. Pas moins de 35 auteurs déclinèrent autant de nouvelles sur le sort de ces hommes et de ces femmes, maintenant aussi de ces enfants, qui décident de partir, de fuir un sort injuste, de “ jouer ” leur vie à pile ou face, pour recouvrer un peu de leur dignité. C’est une initiative voisine qu’ont prise Alfred et David Chauvel, les coordonnateurs, et Michaël Le Galli, le rédacteur de ces Paroles Sans papiers. Car, huit ans après et malgré des législations nationales et européennes de plus en plus répressives, des “ clandestins ” tentent toujours de fuir vers l’Europe. Les drames se multiplient en Méditerranée, les rescapés continuent à s’échouer sur les côtes espagnoles, italiennes, maltaises ou autres et les sans-papiers à chercher à travailler en évitant de tomber dans les mailles des filets de la police nationale. Aujourd’hui, la nouvelle a cédé la place à la BD et la fiction s’efface au profit du témoignage. Ils sont au nombre de neuf, neuf bribes d’existence livrées ici sous la forme d’histoires racontées, mises en scène, dessinées par Lorenzo Mattotti, Gipi, Frederik Peeters, Pierre Place, Alfred, Brüno, Kokor, Jouvray et Cyril Pedrosa. Tonalité sombre et souvent dépouillée pour rendre compte des violences subies, des peurs et de la solitude de ces femmes congolaise, sénégalaise ou tchétchène et de ces hommes, Brésilien, Ivoirien, Marocain ou Algérien. Martine, Serge, Raissa, Malika, Joao, Mariem, Brahim ou Osmane racontent leurs combats pour trouver une place, une petite place, sur cette terre devenue partout inhospitalière. Seul le dernier dessin de Cyril Pedrosa rompt avec la noirceur générale. Il y est question de “ résistance ” et de mobilisation. La solidarité peut être joyeuse et la lutte, fraternelle. C’est bien là le ton de cette initiative qui s’ouvre sur une préface d’Emmanuelle Béart, déjà présente en 1996 aux côtés des Sans-papiers de l’église Saint-Bernard suivie du témoignage de José Munoz, dessinateur d’origine argentine. Un dossier d’une dizaine de pages consacré à l’immigration en France et tout spécialement aux Sans-papiers (chronologie des luttes, évolution juridique, mesures policières, réalité et fantasmes…) referme le livre. Á l’exception de quelques propos par trop démonstratifs, l’ensemble est plutôt convaincant. D’ailleurs, l’objectif n’est sans doute pas de transformer chaque lecteur, grand ou petit, en gréviste de la faim, en manifestant chevronné ou en opposant actif mais de “tenter de faire comprendre une réalité qui nous concerne tous ”. Comme le disait déjà Tertullien – tiens ! un Berbère d’Afrique du Nord devenu, lui, père de l’Église - , “ rien de ce qui est humain ne m’est étranger ”. Mustapha Harzoune

Scénario : David Chauvel, Alfred, Michaël Le Galli Dessin : Lorenzo Mattoti, Pierre Place, Kokor Alfred, Oliver Jouvray, Brüno, Frederik peeters, Cyril pedrosa, GIPI Couleur : Laurence Croix,Albertine Ralenti, Anne-Claire Jouvray Date de parution : 2007 Prix : 14,95€ Site Internet de l'éditeur : www.editions-delcourt.fr