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Welcome

On sait que la fermeture de Sangatte (2002), tête de pont de l’immigration clandestine vers la Grande-Bretagne, n’a résolu aucun des problèmes accumulés par la concentration de candidats à la traversée du Channel. Présence hétérogène de jeunes et de vieux, d’hommes et de femmes, de novices et de récidivistes, des Kurdes et des Afghans, des Marocains, des Maliens ou des Erythréens…obéissant à diverses motivations, appartenant à diverses cultures ou religions...

On sait que la fermeture de Sangatte (2002), tête de pont de l’immigration clandestine vers la Grande-Bretagne, n’a résolu aucun des problèmes accumulés par la concentration de candidats à la traversée du Channel. Présence hétérogène de jeunes et de vieux, d’hommes et de femmes, de novices et de récidivistes, des Kurdes et des Afghans, des Marocains, des Maliens ou des Erythréens…obéissant à diverses motivations, appartenant à diverses cultures ou religions. Tous dans un état de grande précarité, souvent ruinés par les passeurs, condamnés à la promiscuité, à la violence, aux larcins, à l’insuffisance d’hygiène et de nourriture. Fréquemment contrôlés, réprimés, humiliés par les forces de Police. On imagine que tout cela ne favorise pas la sérénité des rapports avec les autochtones. Ils ne sont pas si nombreux ceux qui distribuent des vivres et des couvertures ou seulement des paroles et des sourires de réconfort. De plus qu’on se le dise dans les rangs clairsemés des associations charitables : protéger un clandestin est un délit, passible d’une amende ou d’une peine de prison. On comprend que Welcome, titre du dernier film de Philippe Lioret est ironique, d’autant qu’arboré par certains paillassons au seuil de portes locales dont les locataires sont des délateurs racistes. Une sorte de version inversée du récent et consensuel Bienvenue chez les Ch’tis. Ça ne va pas fort pour Simon (Vincent Lindon, excellent entre angoisse et crispation) quinquagénaire dont la vie part en quenouille. D’une prometteuse carrière de sportif de haut niveau, ne restent que quelques médailles et un poste « au mérite » de maître-nageur à la piscine municipale de Calais. Du couple qu’il formait avec Marion (Audrey Dana, une révélation), une relation en voie de rupture définitive, plus fanée qu’aigrie. Militante dans un réseau d’aide aux migrants, elle ne supporte plus son indifférence, sa passivité, sa médiocrité face aux évènements qui perturbent la ville. Bilal (Firat Ayverdi), jeune Kurde de Mossoul, en situation irrégulière, veut à tout prix rejoindre en Angleterre, sa copine menacée de mariage forcé. Il va plonger avec toute sa fougue adolescente dans la vie stagnante de Simon et faire des vagues. Toute la subtilité du scénario, écrit en collaboration avec Emmanuel Courcol, est d’avoir su éviter tous les schématismes et toutes les motivations figées dans des postures convenues : l’engagement politique ou son rejet, l’attirance physique ou sentimentale, mutuelle ou pas. Le projet de franchir la Manche à la nage qui pousse Bilal à prendre des leçons intensives de crawl et Simon à les lui donner en cachette est aussi peu réaliste que l’espoir de retrouver intact des amours distanciés en épatant par un exploit sportif ou par un engagement politique. Il paraît que ce beau film plein de dignité et d’équité a fait peur. Si tous nos concitoyens, touchés par la grâce, venaient au secours des damnés de la terre ! De quoi trembler en effet. André Videau
Réalisé par Philippe Lioret Avec Vincent Lindon, Firat Ayverdi, Audrey Dana Film français Genre : Drame Durée : 1h50 min Année de production : 2008 Date de sortie : 11 mars 2009 Distribué par Mars Distribution