Aferim !

Ils traquent Carfin, un "Corbeau" en fuite, un Rom, esclave comme la plupart de ses semblables, coupable seulement d’avoir cédé aux avances de la femme du boyard. En chemin, entre force jurons imagés et aphorismes abracadabrants, Costandin inculque à son benêt de fils les vérités premières qui lui permettront de survivre dans un monde sans pitié : obéissance aveugle aux puissants, fussent-ils iniques, et mépris des catégories reconnues comme inférieures, en premier lieu des Roms. Une leçon dont la suite donnera la terrible application pratique quand, à la satisfaction du seigneur (le titre du film signifie "bravo !"), les deux gardiens de la loi auront accompli leur mission.

Filmé dans un somptueux noir et blanc à travers des paysages idylliques, ce récit picaresque, bouffon et noir résonne avec une force surprenante dans notre présent européen. S’il a puisé les éléments de son film dans des chroniques d’époque, Radu Jude, l’une des figures du jeune cinéma roumain, ne se préoccupe pas de reconstitution historique. À travers la piteuse épopée de Costandin et Ionita, évocation plus que recréation d’un passé pas si lointain, il signe une charge dévastatrice contre l’obscurantisme, le racisme et l’indifférence.

Irène Berelowitch