Mektoub ? un film de Ali Ghanem
"Mektoub ? conservera sans doute dans l’histoire des cinémas français, arabe et africain, le mérite d’avoir été le premier long métrage de fiction à dénoncer de plein fouet les conditions de vie des immigrés maghrébins en France." Guy Hennebelle in CinemAction n°8, "Cinéma de l’émigration", été 1979
Fiction quasi documentaire, le film pénètre une réalité rarement cinématographiée, celle d’ouvriers algériens saisis dans leur quotidien. Avant-gardiste et militant, il dénonce les humiliations de ces travailleurs qui jouent ici leurs propres rôles. "Ce que je voulais c’est dénoncer une situation intolérable. Dénoncer n’est d’ailleurs pas tellement le mot : il m’a suffi de montrer, car la réalité parle toute seule." Toutefois, si le drame est l’élément essentiel du film, Ali Ghanem ne souhaite pas apitoyer mais plutôt éveiller , prônant "un cinéma d’urgence et de lutte" . Au titre fataliste - c’était écrit - imposé par le producteur, il ajoute ce point d’interrogation refusant même l’idée de "destin" de l’immigré.
Sorti en 1969 quelques semaines avant Élise ou la vraie vie, adaptation du roman éponyme de Claire Etcherelli, Mektoub réveille la critique. Beaucoup évoquent l’absence d’analyse, les maladresses, et s’étonnent de l’emploi de la langue française (choix du producteur)… mais tous, ou presque, reconnaissent l’honnêteté du cinéaste et du propos. Et Ali Ghanem d’abonder aujourd’hui en décrivant son film comme "naïf, sincère et maladroit". Document majeur malgré ses insuffisances, cité en référence dans tous les articles et ouvrages parus sur la question cinéma/ immigration depuis les années 1970, le film ne sera (après sa sortie) que très peu - voire pas - diffusé. Et si Mektoub ? est à ce jour l’un des films les plus connus - pour qui s’intéresse au "cinéma de l’immigration" -, il reste aussi, paradoxalement, le moins vu.
Ali Ghanem est né à Constantine en 1943. En 1964 il vient en France où, parfaitement autodidacte, il réalise à 26 ans son premier film Mektoub ?. Suivront notamment L’autre France en 1975 et Une femme pour mon fils en 1982 adapté de son roman éponyme.
France, 1969. Durée : 1h25 Avec : El Kébir, Ali Ghanem