4La vie au bord de la vie
« C’est dans un balluchon que cette nouvelle vie doit rentrer, c’est dans une poche secrète qu’elle doit pouvoir se cacher, c’est dans la bouche qu’elle doit se taire »
Soudain, il y a un étrange immobile, un curieux silence. Des visages sans nom, des silhouettes dans le clair-obscur d’un crépuscule, des corps anonymes qui attendent un je-ne-sais-quoi qui ressemblerait à un nouveau départ dans ce nouveau pays. Après la grande traversée, après l’épreuve du voyage et de la séparation, les immigrés sont tous à la recherche d’un nouveau souffle, mais le chemin ne s’arrête pas ici. Pas encore, pas tout à fait. Ils sont sans papiers, ils vivent dans des bidonvilles, s’accrochant aux rêves et aux promesses de vie meilleure.
En miroir à la solitude des lieux qu’ils ont laissés derrière eux, il y a désormais le vide social et administratif dans lequel ils se trouvent. C’est l’anonymat dans une foule pressée, c’est un logement sans chauffage, c’est la boue pour jardin, c’est la vie au bord de la vie.
Dans cette partie, il faut se souvenir des visages et des postures. Observer le pastel d’un portrait envoyé aux siens, admirer la fresque peinte dans un abri de fortune, regarder cet enfant qui fixe l’objectif, rentrer dans cet appartement délabré aux rideaux bleus. Se rendre compte d’une lutte qui est d’abord intime, puis familiale, et enfin sociale.
Les manifestations, les luttes, les marches sont autant de manières de sortir de cet anonymat. Il s’agit de maintenir sa dignité quand les conditions de travail et de vie vous transforment peu à peu en fantômes. Il s’agit de parler un peu plus fort qu’hier, de s’engager pour soi mais aussi pour les autres. Il s’agit, ici, de reconnaissance.