Chocolat

Décelant l’immense potentiel scénique de ce colosse noir, cantonné à une mauvaise pantomime de "cannibale" pour effrayer les foules, il lui enseigne les rudiments de son art et lui donne un nom de scène : Chocolat. Leur duo acquiert très vite une renommée grandissante, pour devenir l’attraction vedette du prestigieux Nouveau Cirque, à Paris. Mais dénoncé comme sans-papier, Chocolat découvre brutalement que ni son succès, ni son argent ne peuvent le préserver du mépris que la France coloniale réserve aux "nègres"…

Extraordinaire destin que celui de Chocolat, si romanesque, si riche d’échos, aussi, dans notre présent, que son histoire est passionnante en elle-même. Roschdy Zem la porte à l’écran sous forme d’un flamboyant mélo, superbement interprété par Omar Sy et James Thiérrée, l’un des petits-fils de Chaplin, et par une pléiade de seconds rôles impeccables. L’acteur réalisateur a voulu faire revivre sur un grand pied "l’histoire oubliée du premier artiste noir de la scène française" (le sous-titre du premier livre de Gérard Noiriel, qui a inspiré le film : après Chocolat, clown nègre, paru en 2012 aux Éditions Bayard, l’historien a publié fin décembre chez le même éditeur un récit plus personnel, Chocolat – La véritable histoire d’un homme sans nom), mort dans l’oubli et la misère un an avant la fin de la grande Guerre. Et le plaisir que procure la reconstitution d’époque, costumes et décors, et l’excellence du casting, est à la hauteur de cette ambition. Avec une intense émotion à l’ultime minute du film, dont on ne peut révéler la teneur sans en gâcher la surprise, et durant laquelle la fiction s’efface fort joliment devant l’histoire réelle.

Irène Berelowitch