Laetitia Tura, Je suis pas mort, je suis là (titre de la série). Disparitions – bateau échoué. Zarzis, Tunisie, 2012

Laetitia Tura, Je suis pas mort, je suis là (titre de la série). Disparitions – bateau échoué. Zarzis, Tunisie, 2012. Collection du Musée national de l'histoire de l'immigration, Inv. 2019.16.12

© Laetitia Tura

Je suis pas mort, je suis là

Une série photographique de Laetitia Tura

Laetitia Tura

Entre 2007 et 2012, Laetitia Tura s’engage dans un travail photographique sur les exilés subsahariens, à la croisée des frontières entre le Maroc, l’Espagne et la Tunisie. Du Sahara à Melilla, elle s’attache à saisir les lieux de la traversée, les murs réels et les lignes imaginaires qui entravent la route vers l’Europe. Ces lieux de passage, de marge et de disparition révèlent en filigrane l’invisible, l’effacement des corps, la mort aux frontières. Les photographies sont mises en regard de textes écrits à partir d’entretiens menés avec des migrants et des familles de migrants, qui dévoilent la cartographie des exilés mais aussi la durée, l’effort, l’incertitude et le danger inhérents à la traversée illégale des frontières. 

Les textes qui accompagnent ce travail photographique et qui restituent la parole des migrants ont été écrits par Hélène Crouzillat et Laetitia Tura, à partir d’entretiens menés entre 2007 et 2012. 

Informations

Inventaire
2019.16.12
Type
Photographie
Date
2012
Matériaux

Impression jet d’encre sur papier fine art pur coton

Dimensions

H. 40 cm, L. 50 cm

Laetitia Tura, Je suis pas mort, je suis là (titre de la série) : Repères – les rails. Vers la frontière marocco-algérienne, 2007

Legende

Laetitia Tura, Je suis pas mort, je suis là (titre de la série) : Repères – les rails. Vers la frontière marocco-algérienne, 2007. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2019.16.1

Credit

© Laetitia Tura

1/15

LES LUMIERES

Ils vous refoulent de nuit pour que les Algériens ne puissent pas savoir. Quand vous êtes en salle de refoulement à la préfecture, tu demandes aux autres : "Toi, tu connais la route ?"
Les gens qui ont été refoulés beaucoup de fois, ils connaissent la route. Alors, tu les suis.
Ils prennent tout le monde, peut-être 100 personnes. De la préfecture, on prend un bus pendant 15 à 30 km. Puis, on se met en rang et les militaires marchent avec nous pendant 1 km.
A un moment, les Marocains disent : "Allez-y !". Alors, tu cours pour contourner et rentrer au Maroc. Si c’est la première fois, tu ne connais pas, tu cours comme un naïf.
Dans le désert, les Nigérians agressent. Dès qu’ils savent qu’il y a des gens en cellule de refoulement, ils s’habillent comme des migrants et ils attendent. Dès que vous arrivez, ils vous tombent dessus. On est tombé sur un blanc et des Nigérians sur une moto.
On s’est dispersé dans tous les sens. En courant, je suis parti vers l’Algérie. J’étais seul. Je suis tombé sur des militaires algériens qui m’ont pris le portable.
Tu vois les lumières de la ville d’Oujda. J’ai marché jusqu’à Oujda de 19 h à 6 h du matin. Il commençait à faire jour. Je suis parti au campus. Le lendemain, la police est revenue à 4 heures du matin pour nous refouler encore. Ils nous ont gardé jusqu’à 19 heures.
La deuxième nuit, il y avait des gens qui connaissaient la route. Mais, il fallait toujours semer le groupe de Nigérians. On a dû s’arrêter pour les laisser partir.
Tu restes la nuit dans le désert sans chaussures.
Tu te caches toujours.

Gnakale, Casablanca