La machine à coudre d'Albert Pezzoni
Don d'Albert Pezzoni
"Cette machine à coudre Singer des années 1920 avec un pied en fonte appartenait à ma mère qui a immigré de sa Vénétie natale au début des années 1930 pour s’établir à Suresnes, où j’habite toujours. Cet objet représentait toute sa fortune, tous ses espoirs. J’imagine la difficulté pour elle de la faire venir, par train, de son petit village" (Albert Pezzoni).
L’histoire d’Antonia Giuseppa Pezzoni racontée par son fils, Albert Pezzoni
"Pour mes parents, l'immigration était une immigration économique, ni mon père ni ma mère n’ayant de perspectives d’avenir.
Ma mère, Antonia Giuseppa, est née en 1898, à Primolano en Italie, à cinq kilomètres de la frontière autrichienne de l’époque. Mais au moment de la Première Guerre mondiale, ma famille, comme l’ensemble du village se situant dans la zone des combats, a été évacuée à Benevento, près de Naples.
Après la guerre, retour à Primolano. Antonio, le père de ma mère, y tenait une boutique d’articles d’écriture. Je devrais plutôt dire une vitrine, tant cela devait être peu important. Je me souviens avoir joué enfant avec les derniers pains de cire à cacheter. Il s’occupait aussi de l’importation, dans le village et ses alentours, de machines à coudre Singer, qu’il associait à des cours de couture. Sur une photographie de 1927 qui montre la place du village, on le voit, ainsi que ma mère assise devant la machine qu’elle amènera plus tard en France. Dans le fond, sur le mur, on distingue une photo du Duce. Je me souviens que mon grand-père m’avait dit que les nervis de Mussolini l’avaient forcé à boire de l’huile de ricin, simplement parce qu’il ne voulait pas adhérer au régime.
À la fin des années 1920, ma mère prend la décision d’émigrer, avec l’idée de vivre de la couture dans un autre pays. Elle s’installe à Suresnes où elle rejoint son frère qui avait tenté sa chance en France. Là, elle rencontre Angelo Pezzoni, un immigré du même village qu’elle. Mes parents se marient et traversent non sans difficultés les années 1930 et 1940 avec la crainte de ne pas trouver d’emploi et la peur que leur permis de séjour ne soit pas renouvelé. Ils vivent aussi l’antipathie, pour ne pas dire plus, de certains lorsque l’Italie ne s’est pas retrouvée dans le bon camp pendant la guerre.
En juillet 1945, mon père, qui n’avait pas vu son pays sans doute depuis qu’il avait immigré en France, projette d’aller en Italie avec moi, alors âgé de sept ans. Contraintes administratives de l’époque, ignorance ou négligence de la part de mon père, je ne sais pas, mais toujours est-il que nous n’avions pas de passeports pour passer la frontière. Nous sommes restés environ quinze jours à Nice avant que mon père trouve le moyen d’entrer en Italie. D’après mes souvenirs, ce passage s’est déroulé de manière étrange. Mon père et moi nous sommes mêlés à un groupe de civils transportés depuis Nice dans un convoi de camions militaires. Pour traverser la frontière, on m’avait caché sous une banquette du camion."
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- Dossier thématique : Les italiens en France : jalons d’une migration
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- Podcast : Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893
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