Le mouvement Sokol
Fond Kousnetzoff
De l’idéal antique aux aspirations nationalistes
Dans les albums constitués par Catherine Teslioukoff (1934-1998), future épouse de Dimitri Kousnetzoff (1928-2010), une trentaine de photographies témoignent d’activités pratiquées par la jeune fille au sein du mouvement Sokol entre 1946 et 1950 environ. Mouvement gymnastique tchèque fondé en 1862 par Miroslav Tyrs (1832-1884), enseignant en philosophie et en arts plastiques, et Jindrich Fügner, qui s’inspirèrent de la Grèce antique, le Sokol entendait insuffler à la jeunesse le goût de l’exercice physique en complément d’une éducation intellectuelle, morale et spirituelle.
Créé dans le contexte de revendication nationaliste qui suivit les révolutions de 1848, le Sokol associe esprit patriotique et sport. Le nom du mouvement, qui désigne aussi ses membres, renvoie aux anciens chants slaves dont les héros étaient appelés « sokol » (faucon), symbole de vigilance, de clairvoyance et de vaillance. Le Sokol est né en Bohême puis s’est développé dans les régions voisines avant de gagner les Balkans, une partie de l’Europe et les Etats-Unis. Si la gymnastique constitue la colonne vertébrale du mouvement, d’autres sports s’y sont ajoutés ainsi que des activités culturelles. En France, le mouvement s’est développé dans la deuxième moitié du XIXe siècle ; une photographie éditée en carte postale montre un groupe de Sokols tchèques et polonais à Montmartre, peut-être prise à l’occasion de la réunion de l’Union des Sokols à Paris en 1913.
La gymnastique comme sujet photographique
La gymnastique est reconnue comme discipline sportive dès la fin du XVIIIe siècle mais ce n’est qu’au siècle suivant que se développe la gymnastique artistique, distincte des exercices pratiqués par les militaires. Une photographie prise vers 1920 dans un camp de réfugiés russes au large de Constantinople, où l’on voit des jeunes gens de la bonne société faisant des exercices sous les yeux de leurs familles, nous rappelle que le sport était initialement réservé à une élite. Très vite, la gymnastique s’impose parmi les sports de compétition, comme en atteste la rivalité entre Allemands et Français aux premiers Jeux olympiques modernes d’Athènes (1896). La Russie et l’URSS y ont excellé, le régime soviétique ayant fait du sport un symbole de libération sociale. Les entraînements de masse tels que l’on pouvait en voir sur la place Rouge de Moscou à partir de 1924 ressemblaient à des parades militaires, le but étant de forger une jeunesse suffisamment forte pour défendre la patrie. Les photographies de défilés sportifs ou de pyramides humaines par Alexander Rodtchenko (1891-1956) sont de ce point de vue éloquentes, qui montrent la musculature des corps, la dynamique de groupe et la méticuleuse organisation des spectacles. Dans le Sokol, il s’agit d’une discipline volontaire, à travers laquelle se transmettaient les valeurs d’égalité et de fraternité. Le goût de l’activité physique, l’apprentissage de la vie en communauté au grand air étaient partagés à l’occasion de camps de vacances comme celui situé près du lac de Genève où la jeune Catherine séjourna en 1948. Les photographies mettent l’accent sur la vie en groupe et sur les costumes : robes de fêtes traditionnelles, tenues sportives noires et blanches, jupes longues portées par les femmes dans les moments de repos. Si quelques clichés s’essaient à saisir le mouvement des défilés ou des exercices, on est loin des cadrages audacieux de Rodtchenko. Il s’agit, comme dans l’ensemble des albums, de photographies relevant de la pratique amateure.
Hélène Bocard, conservatrice en chef du patrimoine au service des collections du Musée national de l’histoire de l’immigration
A voir également sur le fond Kousnetzoff :
Informations
Album de photographies en papier cartonnée
H. 19 cm, l. 25 cm (fermé)
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