Oscar Rabine naît à Moscou en 1928. Dans les années cinquante, il s’installe avec sa femme Valentina Kropivnitskaïa dans la banlieue de Moscou, à Lianozovo. Jusqu’en 1958, tout en peignant, il gagne sa vie comme contremaître aux chemins de fer, ouvrier dans le bâtiment puis dessinateur publicitaire. C’est autour de lui que se constitue le "Groupe de Lianozovo", une communauté de peintres et poètes réunis par "une proximité de la vision du monde, des efforts insistants (…) pour rester libres dans leur art" (Evgueni Barabanov, "Vision et reconnaissance", Oscar Rabine, Musée d’Etat russe, Saint-Pétersbourg, Palace Ed., 2007, p. 6).
En septembre 1974, Oscar Rabine, chef de file des artistes non-conformistes et farouche défenseur de "l’art non officiel", est l'un des organisateurs de l’exposition organisée en plein air à Moscou qui sera démolie par les autorités à l’aide de bulldozers, provoquant l’indignation de l’opinion internationale.
Mais l’esprit dissident de l’artiste et son affranchissement pictural des dogmes du réalisme socialiste lui valent la déchéance de sa nationalité par décret spécial du Présidium du Soviet Suprême de l’URSS en juin 1978 . Il entame alors ce qu’il nomme sa "troisième vie" d’ "émigré malgré lui en France", où il connaît le succès et la reconnaissance parisienne et internationale. En 1985, il obtient la nationalité française. Son passeport russe lui est finalement rendu en 2007.
Si les thématiques du banal et du quotidien - baraquements, décharges, Pravda, bouteilles de vodka, animaux… - nourrissent son travail, les cartes d'identité, passeports et visas font également partie de ses thèmes récurrents. D’emblée, dans les années 1970, Rabine "utilise comme un ready-made son propre passeport" (Olga Sviblova, "L’art russe non officiel des années 1960-1970", in Face à l'histoire, 1933-1996 : l'artiste moderne devant l'événement historique, Paris, Flammarion, p. 391) et en fait une image allégorique sur la privation de liberté en Union soviétique. Beaucoup plus tard, en exil, il intègre la France dans son œuvre (notamment à travers la représentation de paysages, de bouteilles de vin ou champagne, de baguettes de pain ou de fromage…), sans rompre pour autant avec le passé et son imagerie . Dans le Passeport renversé - témoin d’une existence terminée - c’est la période de Lianozovo qui affleure, teintée de nostalgie. Mais c’est également, et de façon plus métaphorique, tout son parcours jusqu’à l’exil en France qui transparaît. Comme une "ligne de vies" où finissent par se confondre les "âmes russe et française".
Isabelle Renard
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