Lettre de naturalité de Jean-Dominique Cassini
Jean-Dominique Cassini est un astronome, cartographe et géomètre né à Périnaldo dans le comté de Nice en 1625, période où le comté se situe hors du royaume de France. Il est reconnu en Italie pour ses travaux scientifiques à l’université de Bologne. En 1669, Cassini vient s’installer en France à la demande de Jean-Baptiste Colbert. Louis XIV le nomme en 1672 directeur de l’observatoire à l’Académie des sciences. Il est naturalisé en tant que sujet du roi en mars 1673 et décède à Paris en 1712.
A son arrivée dans le royaume de France, Louis XIV lui délivre une lettre de naturalité. Les premières lettres, appelées « lettres de bourgeoisie » apparaissent dès le XIVe siècle. Elles permettent à un étranger du royaume, d’être réputé naturel sujet du roi "régnicole", et de jouir de tous les droits, privilèges et libertés des sujets du royaume. Cette lettre est donc une grâce faite par le roi à un étranger afin d’en faire un de ses sujets. En contrepartie il doit résider dans le royaume de manière constante. Selon l’historien Bart Lamber, ces lettres ont pour rôle d’être des outils de contrôle politique sur les populations étrangères par le pouvoir royal qui peut ainsi pousser les étrangers à ne pas sortir du royaume pour une longue durée.
Les conditions d'obtention de la lettre de naturalité
L’attribution d’une lettre de naturalité revêt un caractère exceptionnel puisqu’entre la fin du XVIe siècle et la Révolution française, il y a en moyenne une cinquantaine de demandes de lettres par an, souvent satisfaites, qui sont adressées au roi. Ce nombre peu élevé s’explique en partie par la procédure très coûteuse qu’il faut enclencher pour en faire la demande. Pour l’obtenir, il faut remplir diverses conditions : l’installation durable en France (depuis au moins un an), la prospérité économique et une assise sociale dans le royaume de France que la lettre permet d’accroître encore.
La naturalisation de l'"étranger"
Dans les faits, ces lettres ne changent pas radicalement le statut des étrangers, ils deviennent semblables à des régnicoles tout en restant par essence des étrangers. En effet, ces derniers se voient visés par des taxes sur les étrangers en 1587, 1639 et 1697 alors même qu'ils sont naturalisés. Comme l'indique l'historien Jean François Dubost, « loin de devoir être tirée vers l’avenir et vers une "naturalisation" à rattacher au développement du sentiment national, la lettre de naturalité doit être replacée dans une perspective féodale et apparaît alors comme le signe de l’allégeance de celui qui en bénéficie envers le monarque qui l’octroie" (cf Jean François Dubost, "Signification de la lettre de naturalité dans la France des XVIe et XVIIe siècles" - accéder à l'article en ligne).
Ceci étant, l’intérêt de ces lettres pour les étrangers du royaume est d’éviter des "incapacités juridiques" auxquelles ils sont contraints. En effet, ces derniers sont soumis à certaines règles :
- L’impossibilité théorique d’exercer des offices royaux.
- L’impossibilité théorique de tenir des bénéfices ecclésiastiques dans le royaume.
- La menace d’être soumis à des taxes spécifiques dans certaines villes ou dans tout le royaume comme ce fut le cas en 1697.
- L’incapacité successorale : l’impossibilité de transmettre ses biens après son décès, tout comme de recevoir des successions, avec son corollaire, le droit d’aubaine, par lequel les successions des étrangers décédés dans le royaume reviennent au roi.
Julien Derni
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