Teofil Kwiatkowski « Jeune polonaise saisie par le froid »
Téofil Antar Kwiatkowski (1809-1891) est issu d’une famille nobiliaire polonaise originaire de la ville de Pułtusk. Il rejoint l’école des Beaux-Arts de Varsovie dans la section peinture en 1825. À cette période, l’Empire russe occupe le territoire polonais depuis le Congrès de Vienne de 1815. Le tsar Alexandre Ier laisse jouir les Polonais d’une relative autonomie dans le domaine administratif, militaire ou bien de la presse. Peu à peu, le tsar restreint les libertés accordées et fait naître des tensions qui s’accentuent à sa mort, lorsqu’il est remplacé par Nicolas Ier. En effet, le bruit court que le nouveau dirigeant souhaite envoyer des troupes en France pour rétablir Charles X mis à mal par la monarchie de Juillet. Les militaires polonais, craignant d’être envoyé pour réprimer les révolutionnaires français organisent une insurrection. Kwiatkowski s’engage en 1830 dans l’armée d’insurrection de Varsovie, durant « le soulèvement de Novembre ». Le 3 décembre 1830, un gouvernement provisoire polonais est mis en place.
L'après Novembre 1830
En septembre 1831, les troupes russes reprennent Varsovie et destituent le gouvernement polonais. Téofil Kwiatowski, comme près de 5000 autres Polonais, part en exil pour échapper à la peine de mort. Ce mouvement est qualifié par les Polonais de « Grande Émigration ». Il se dirige vers la France, traverse la Bohème et la Bavière pour se rendre à Avignon, comme la majorité des militaires. Le gouvernement y a mis en place des dispositifs pour accueillir les réfugiés polonais, notamment des « dépôts » dont la fonction est d’enregistrer, d’assigner à résidence les arrivants, et de bloquer l’entrée en France du choléra faisant des ravages en Pologne.
L'accueil en France
Les élites avaient la possibilité de rejoindre la capitale, sa condition nobiliaire permet à Téofil Kwiatowski de s’y installer dès la fin de l’année 1832. En 1835, un oukase du tsar (édit) concernant les émigrés est promulgué : les biens de ces derniers sont confisqués et ils sont exclus du droit d’amnistie. Le peintre se voit dans l’impossibilité de retourner en Pologne, il demande sa naturalisation en 1852 et l’obtient seulement le 10 mars 1863. Il part s’installer en Avallon avec sa femme jusqu’à sa mort en 1891.
En 1842, il peint la Jeune Polonaise saisie par le froid, cette jeune femme au visage enserré dans son foulard blanc renvoie à la région d’origine du jeune peintre. Cette peinture est aussi bien la manifestation de la nostalgie qu’il éprouve pour sa région d’origine qu’il souhaitait revoir (cette même année sa mère - qu’il n’a pas vu depuis son exil - et son frère décèdent), qu’une évocation des œuvres qui l’ont marqué durant son exil. En effet, ce tableau montre une influence des portraits de jeunes femmes endormies du peintre italien Pietro Rotari qu’il a vu durant son voyage vers la France. Il se distingue de l’idéologie dominante dans l’émigration polonaise qui veut que l’art exalte un passé glorieux de la Pologne : affirmer une culture artistique forte est un enjeu crucial pour les élites émigrées à un moment où la Pologne réclame son indépendance à la Russie.
Julien Derni
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