Les mots

Comment définir le racisme ?

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Strasbourg's Guy Mancamba Luyindula (C) is congratulated by team-mates Habib Beye (L) and Pierre Njanka Beaka (R) after scoring his team's 1st goal on December 03, 1999 against Bastia
Le Strasbourgeois Guy Mancamba Luyindula (C) est félicité par ses coéquipiers Habib Beye (G) et Pierre Njanka Beaka (D) après avoir marqué le 1er but de son équipe le 03 décembre 1999 contre Bastia, alors qu'une banderole "L'Alsace est aux Alsaciens: Le Roy-Proissy n'y changeront rien" est déployée derrière eux. Le recrutement effectué par Claude Le Roy (ex-entraîneur du Cameroun), notamment la "garde noire" du Racing-club de Strasbourg provoque une polémique sur fond de racisme parmi certains supporteurs "qualifiés de fachos et nazillons" par l'entraîneur strasbourgeois © Gérard Cerles, AFP

Une forme de discrimination

Le racisme est une forme de discrimination fondée sur l'origine ou l'appartenance ethnique ou raciale de la victime, qu’elle soit réelle ou supposée.
Le racisme recourt à des préjugés pour déprécier la personne en fonction de son apparence physique ; il lui attribue des traits de caractères, des aptitudes ou des défauts physiques, intellectuels qui renvoient à des clichés ou des stéréotypes.

Le racisme cherche à porter atteinte à la dignité et à l'honneur de la personne, à susciter la haine et à encourager la violence verbale ou physique. Il tend à répandre des idées fausses pour dresser les êtres humains les uns contre les autres.

Parfois, il se présente comme une idéologie, une théorie explicative des inégalités entre les hommes et propose alors une hiérarchie entre les groupes humains. Le racisme idéologique s'est développé à partir du XIXe siècle, avec des auteurs comme Vacher de Lapouge, qui ont voulu donner une base biologique au racisme, mais il est devenu un véritable système politique avec l'apartheid en Afrique du Sud et le nazisme du Reich allemand.

Le racisme ne disparait pas par décret 

Il y a les définitions et les facultés d’adaptation du racisme aux nouvelles conditions et aux exigences juridiques et sociétales. Le racisme ne disparait pas par décret. Il se transforme, adopte des formes nouvelles, mais il emprunte, toujours et partout,  les mêmes voies : généralisation, essentialisation, infériorisation, discrimination, violences, en mots d’abord, en actes ensuite.

Les vieilles peaux de l’Histoire

Il y a d’abord les resucées de l’Histoire et des héritages, cette vieille peau dont les sociétés et les imaginaires ne parviennent pas à se défaire. Elle forme ce que d’aucuns qualifient de « discriminations systémiques » (voir Fondation Thuram), un racisme au quotidien et qui, ouvertement ou non, continue d’exclure, de discriminer dans la recherche d’un emploi, au travail, à l’école, dans l’accès au logement, à la santé, dans les loisirs… Ici, les sous-entendus ou les non-dits voisinent avec l’injure, l’agression et le refus de service. Racisme rime aussi avec immigration.

L’ethnicisation des uns…

Désormais, on n’ose ni ne peut, du fait de la législation notamment, incriminer – ouvertement - la couleur de peau, le physique ou la « barbarie » congénitale de celle ou de celui que l’on prétend « inférieur ». Le rejet, voire la haine de l’Autre, s’habillent d‘atours, se camouflent derrière quelques subtilités : la différence des cultures remplace la hiérarchie des races ; si l’autre n’a rien à faire ici, c’est qu’il est culturellement inassimilable ; c’est parce qu’il ou elle n’a pas le même rapport au travail, au savoir, aux femmes, à l’éducation, au sacré, à la violence, etc.  Désormais, le raciste ne cherche pas à dominer l’Autre, à le soumettre à sa hiérarchie des « races », mais à l’exclure parce que trop différent, culturellement inintégrable. Dès lors, les faits divers ou les données sociologiques ne sont plus analysés sous l’angle des individus ou de logiques socio-économiques mais comme phénomènes ethniques, comme si être noir ou jaune, musulman ou basané, immigré… expliquaient quoi que ce soit des faits. Ces croyances s’exposent aujourd’hui sans complexe ni retenue, jusque dans des théories pseudo savantes, à l’image d’un prétendu « grand remplacement ».

 

…Et l’ethnicisation des autres

L’ethnicisation de la société n’est pas seulement le fait des courants d’extrême droite, ce sont aussi les petits jeux de la survalorisation des différences et des identités qui peuvent dériver vers de nouvelles formes de racisme, marquées par les logiques conflictuelles de groupes qui ne retiennent pour identité qu’une composante exclusive ou dominante : noir, musulman, hindouiste, arabe, corse, turcs, juif… La guerre des identités, de même que la (juste) dénonciation d’un racisme ou de discriminations subis, peuvent aussi s’égarer dans un racisme contre tout ce qui est autre et/ou oppresseur ; jusqu’à y compris produire un autre discours, une autre forme de racisme, dit « anti-blanc ».

Sous l’effet de nouvelles fragmentations, sous l’effet aussi des hiérarchies, anciennes et nouvelles, le racisme continue de travailler nos sociétés, mais prévient Sophie Bessis, « le rejet du différent mène toujours, sous des formes diverses, au seuil du désastre ».

Quelques chiffres

La conception biologique du racisme recule dans l’opinion publique française : en 2021, le « baromètre racisme » (Ipsos) pour la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH, voir rapport 2021) montre que seuls 8 % des Français (- 3 points) estiment qu’« il y a des races supérieures à d’autres ». Si d’autres indices vont dans le même sens (rejet de la notion de race, condamnation des discriminations, rejet des injures racistes...), d’autres éléments inquiètent les rapporteurs. Ainsi, 62% des Français estiment qu’« aujourd’hui en France, on ne se sent plus chez soi comme avant » et 73 % pensent que « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale ». Même incrimination en matière d’insécurité.

La CNCDH relève que les actes racistes sont en hausse de près de 40 % en France en 2019. Les personnes noires et maghrébines subissent « plus de discriminations que le reste de la population ». A ce racisme, s’ajoutent les préjugés, stigmatisations et actes racistes contre les Roms et la communauté asiatique, l’hostilité contre l’islam mais pas contre les musulmans, qui, pour 74% des sondés sont « Français comme les autres ».

Selon le Service central du renseignement territorial, les actes racistes sont en augmentation de 38 % en 2019. Ces hausses sont de 27 % pour les actes antisémites (687 actes), de 54 % pour les actes anti-musulmans (154) et de 130 % pour les autres actes racistes (1.142). Selon le ministère de la Justice, 6 600 affaires ont été « transmises en justice » (6 122 en 2018). Et 393 infractions racistes ont été sanctionnées par des condamnations.

L’ « indice de tolérance » des Français a progressé de 13 points entre 2013 et 2019, mais là aussi, la moyenne cache plusieurs réalités, ainsi l'indice est de 79 à l'égard des Noirs et des juifs, de 72 à l'égard des Maghrébins, de 60 à l'égard des musulmans et de 36 à l'égard des Roms.

Contre toutes les formes de racisme, les programmes de sensibilisation

Les programmes d'éducation contre le racisme sont essentiels, dès l'école, comme les actions de prévention soutenues par des associations, des syndicats et par l'ensemble des institutions. Le 21 mars a été proclamé "Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale" qui permet d'organiser des manifestations et des actions de solidarité contre le racisme, notamment dans les écoles.

Des institutions comme Le défenseur des droits ou la CNCDH mène à la fois des actions de préventions, d’information et de formations et d’alerte. La CNCDH recommande aussi de mieux faire connaitre les moyens de porter plainte, d’améliorer la prise en charge des victimes et la formation des magistrats et de développer les peines pédagogiques (stage de citoyenneté).

Mustapha Harzoune, 2022