Qu'est-ce que la migration saisonnière ?
Dès le milieu du XIXe siècle, l’agriculture française à recours à une main d’œuvre immigrée saisonnière : d’abord originaire des pays voisins (Belgique, Allemagne, Suisse, Italie, Espagne…), elle s’est diversifiée et arrive de pays plus lointains (Pologne, Maroc…). Les saisonniers bénéficient d'un contrat de travail d’une durée inférieure à six mois.
La loi du 20 novembre 2007 introduit une carte triennale « saisonnier ». Mais, l’autorisation de travail n’est toutefois renouvelée que si le travailleur saisonnier peut apporter la preuve de son retour dans son pays d’origine.
Chiffres de la migration saisonnière
En 2019, 4 559 titres de séjour au titre de travail saisonnier ou temporaire ont été délivrés. Soit 11,6 % des premiers titres de séjour délivrés pour motifs économiques.
Depuis 2009, les saisonniers passent par les missions de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui s’est substituée à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM). Les missions de l’OFII sont implantées dans les États avec lesquels la France a conclu des accords de main-d'œuvre.
En France, on estime que dans le secteur agricole, 80 % de la main-d’œuvre est étrangère. Selon la Dares (Dares analyses n°057, décembre 2019), pour la période avril 2018-mars 2019, quelques 270 000 saisonniers ont travaillé dans la filière agricole. 50% du volume de travail saisonnier se concentrent dans les régions Nouvelle Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. 60 % du volume de travail saisonnier agricole se concentre dans les activités liées à la vigne (21 %), aux légumes, melons, racines et tubercules (18 %) et aux fruits à pépin et noyau (18 %). La main d’œuvre étrangère est originaire du Maroc, de la Tunisie, de la Guinée ou du Mali et de certains pays européens comme la Roumanie ou la Pologne.
Le contexte particulier de la pandémie
En 2020 avec la crise sanitaire, les migrations temporaires de travail ont diminué dans tous les pays de l’OCDE, notamment en Australie (-37 %), au Canada (-43 %), au Japon (-66 %), en Corée (-57 %) et aux États-Unis (-37 %) (Source OCDE). La majorité des pays de l’OCDE ont maintenu des restrictions de déplacement et restreint les services d’immigration, en raison de la pandémie de Covid-19. La plupart ont eu recours à des mesures provisoires pour atténuer les effets de la pandémie, notamment en facilitant l’entrée de travailleurs essentiels tels que le personnel de santé et les travailleurs agricoles saisonniers. La Commission européenne a aussi recommandé d’autoriser la libre circulation au sein de l’UE des saisonniers européens en considérant cette main-d’œuvre comme des « travailleurs exerçant des professions critiques ». Pour remplacer les saisonniers non européens une autre idée a germé : les remplacer par des saisonniers locaux, c’est-à-dire par des Français devenus inactifs du fait du confinement (voir la campagne « Des bras pour ton assiette »). Les candidats se sont d’abord bousculés mais les professionnels du secteur se sont heurtés à quelques difficultés : l’inexpérience des saisonniers improvisés, la pénibilité des tâches et des travaux peu attractifs ont vite fait déchanter une main d’œuvre qui a préféré s’en retourner à ses activités pré-confinement. L’Italie, elle, a régularisé les sans-papiers, et prolongé, comme l’Allemagne, le séjour des travailleurs saisonniers. En France on a même imaginé mettre au travail les… réfugiés et les demandeurs d'asile (voir un article de Ouest France sur le sujet)
Des travailleurs essentiels particulièrement vulnérables
La fermeture des frontières engendrée par la crise sanitaire du Covid-19 a mis en évidence l’importance des migrations de travail saisonnières, pour les exploitants agricoles, pour les travailleurs saisonniers dont le travail peut faire vivre leur famille au pays mais aussi pour l’approvisionnement des populations en produits (voir un article du Monde sur le sujet) agricoles (voir un article du Monde sur le sujet). Ainsi, le vertige de l’immigration zéro s’est s’écrasé sur le mur de la réalité. A l’heure où le vieil hochet de l’immigration « choisie » et qualifiée est agité, la crise sanitaire a montré que la main-d’œuvre non qualifiée - et bon marché - reste essentielle notamment dans le cadre d’une agriculture intensive et spécialisée.
Il faut ajouter un autre élément : si le recrutement et les contrats des ouvriers non européens sont en principe contrôlés par l’OFII, l’emploi non déclaré est également fréquent, de même que les violations du droit du travail : heures supplémentaires non rémunérées, normes sanitaires non respectées, etc. Pour l’Organisation internationale du travail (voir le rapport), les travailleurs migrants saisonniers sont donc parmi les travailleurs les plus vulnérables. Covid-19 ou non, les travailleurs saisonniers restent confrontés à de nombreux problèmes de salaire, de droit du travail ou de protection des travailleurs.
Mustapha Harzoune, 2022
Sources :