Economie et immigration

Quel est le poids de l’immigration sur les prestations sociales ?

Il n’est pas rare de présenter les immigrés comme des "profiteurs" qui choisiraient leur pays d'accueil en fonction des bénéfices sociaux escomptés. De ce point de vue, la "générosité" de la France, serait particulièrement attractive. Ainsi en 2018 les dépenses de protection sociale représentaient en France 31% du PIB, devant le Danemark (30,8%) et la Finlande (30,1%), le trio de tête européen. En Allemagne, en Italie ou en Suède cette part représente entre 27 et 30% du PIB, au Royaume Uni ou en Espagne la part de la protection sociale se situe entre 23 et 27%. Alors qu’en 2017 la moyenne européenne est de 27%, elle est de 19% du PIB aux USA et de 18% au Canada. Comment expliquer alors que les migrants se dirigent, plus massivement, vers des pays comme les USA, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou le Canada dont les systèmes de protection sociale sont bien moins… "séduisants" ? (Eurostat, Sespros ; OCDE)

La part de l’immigration dans les dépenses publiques 

Concernant la contribution des immigrés aux finances publiques, en 2009 l’économiste Lionel Ragot, montrait que la population immigrée a une contribution totale légèrement positive aux finances publiques. Ces résultats viennent d’être confirmée par le rapport de l’OCDE sur les « Perspectives des migrations internationales 2021 ». « Dans les 25 pays de l’OCDE, en moyenne au cours de la période 2006-18, la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations a été supérieure aux dépenses publiques consacrées à leur protection sociale, leur santé et leur éducation. (…) La contribution budgétaire nette totale des immigrés était continuellement faible sur la période 2006-18, étant comprise entre -1 % et +1 % du PIB dans la plupart des pays. La situation varie selon les pays en fonction de l’âge de la population immigrée : en effet, les immigrés âgés ne contribuent pas dans la même mesure à l’économie que les immigrés d’âge actif ». En France, par exemple, la contribution budgétaire nette des personnes nées à l’étranger est de 1,02 % du PIB, donc légèrement excédentaire, contre une moyenne de 1,56 % sur l’ensemble des pays.

Pour Jean-Christophe Dumont, la question du coût de l’immigration « ne devrait pas nous obséder, car quand on fait le compte, on observe que la contribution est positive jusqu’à la prise en compte des dépenses militaires et de la dette publique ». En effet, lorsque le budget de la défense et le remboursement de la dette publique, qui ne concernent pas que les immigrés mais toute la population, sont pris en compte, la contribution devient négative pour la France (-0,85 %) comme pour la moyenne des 25 pays étudiés (-0,16).

Aujourd’hui, selon l’OCDE, les dépenses publiques consacrées aux immigrés sont plus faibles que pour le reste de la population dans les domaines telles que les pensions de vieillesse et de réversion, la maladie, l’invalidité, l’éducation, la santé. Elles sont à l’inverse plus fortes concernant la famille, le chômage, l’exclusion sociale et le logement.

Dans l’ensemble, les personnes nées à l’étranger contribuent 11 % de moins que les « natifs » au budget de l’Etat. Une participation « plombée » par une mauvaise intégration sur le marché du travail, avec 56 % des immigrés en emploi en France, or, selon une simulation réalisée par l’OCDE, avec un taux d’emploi similaire au reste de la population, les immigrés pourraient générer 0,2 % du PIB supplémentaires pour les comptes publics. Comme le rappelle Lionel Ragot, «individuellement, ils [les immigrés] sont plus au chômage, perçoivent plus d’allocations, c’est vrai. C’est le raccourci qui est souvent mis en avant pour dire qu’ils coûtent très cher à la France. Sauf que ce résultat individuel est compensé par une structure d’âge, avec des immigrés qui sont souvent dans la population active et qui donc cotisent beaucoup » (Libération, 28 octobre 2021).

Les plus jeunes et les plus âgés coûtent le plus aux finances publiques (en dépenses de santé et vieillesse). Or, les prestations familiales visent à favoriser les naissances en France, et les enfants des familles immigrées (françaises ou étrangères !) sont les citoyennes et les citoyens de demain, appelés à contribuer au développement économique et démographique du pays. Le coût de ces allocations devrait être reporté sur le cycle de vie des enfants, comme tous les enfants de France… et non sur leurs parents.

 

Surreprésentation & sous évaluations

L’argument selon lequel les immigrés pèsent sur les comptes sociaux repose sur la surreprésentation des immigrés extra-européens au titre des prestations sociales (RMI, allocations chômage, aides au logement). Pour autant, ces immigrés cotisent, et cette surreprésentation est à corréler à leur exclusion du marché du travail mais aussi à leur situation professionnelle et aux discriminations dont ils sont victimes : faible qualification, promotion freinée, bas salaires, premiers licenciés, emplois non déclarés ou encore allégements des charges patronales sur les bas salaires.

Par ailleurs, nombre d’immigrés ne font pas valoir leurs droits. Ainsi en est-il des immigrés qui retournent dans leur pays sans bénéficier de leurs prestations sociales : ainsi, les mouvements de retour ou « remigrations » des immigrés seraient de 20 % à 50 % au cours des cinq années suivant leur arrivée (Dumont et Spielvogel, 2008), et, selon un audit parlementaire de mai 2011, "5 ans après leur entrée, seuls 60% des titulaires d'un titre de séjour sont encore sur le territoire français". De même, à la retraite, des immigrés repartent chez eux allégeant ainsi les dépenses de santé en France. De leurs côtés, les salariés sans-papiers qui travaillent et s’acquittent de leurs cotisations sociales ne peuvent bénéficier de certaines prestations sociales auxquelles ils pourraient prétendre. Enfin, si l’immigration ne constitue qu’un élément de la réponse au vieillissement des pays européens, l’arrivée d’une main d’œuvre étrangère, qui n’aura rien coûté en frais d’éducation, contribuera aussi à améliorer le rapport entre actifs et inactifs et donc à alléger… les comptes sociaux.

L’allongement de l’espérance de vie, le chômage de masse ou les inégalités en matière de cotisations sociales, restent les véritables causes de la fragilité de la protection sociale en France. Pas l’étranger. 

 

Mustapha Harzoune, 2022