Cholem Aleikhem, Motl, fils du chantre
Cholem-Aleikhem (1859-1916) est un romancier, nouvelliste, dramaturge, chantre de la littérature yiddish. En préface, les traductrices offrent cette citation de l’auteur : « Je vous le dis, ce monde est moche et méchant, mais par esprit de contradiction, il ne faut pas pleurer ! Si vous voulez savoir, c’est là la véritable source, la véritable cause de ma bonne humeur, de mon “humour” comme l’appellent les autres. Ne pas pleurer, exprès. Rire, exprès, seulement rire ! » Rire, « seulement rire » donc. Il y a du pathétique à savoir que Cholem-Aleikhem est mort en travaillant sur Motl, fils du chantre. Motl est un gamin et c’est à travers ses yeux que l’auteur d’Un violon sur le toit fait rire – oui ! fait rire – de la misère juive et des pogroms de la fin du XIXe siècle, de la fuite de millions de Juifs vers les États-Unis, ces « émigrants » – aujourd’hui on parle de « migrants » – qui traversent une Europe inhospitalière voire hostile. Le récit absorbe, enchante, émeut. Savoir si Motl et les siens arriveront en Amérique est l’un des ressorts de la narration, un autre est porté par les descriptions précises et enjouées du gamin. « Conter les tribulations des émigrants par la voix d’un enfant dont la joie de vivre et la soif de découvertes tiendront le tragique à distance » constitue le tour de force de ce monologue. Cette réussite tient aussi au style qui traduit la voix d’un enfant : phrases courtes, vocabulaire simple, concret et une disponibilité tout enfantine à accueillir la vie, enthousiaste et curieux.
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