Immigration : les racines du fiel
Le Rassemblement national, héritier du Front national fondé par Jean-Marie Le Pen en 1972, a connu une ascension fulgurante dans le paysage politique français. D’un parti marginal incapable de recueillir 500 signatures pour l’élection présidentielle de 1981, il est devenu une force politique majeure aujourd’hui. Depuis son origine, il prospère sur les anxiétés sociales et économiques et sur l’instrumentalisation des peurs et des préjugés qui alimentent le rejet de l’autre.
De l’indigène à l’immigré, le retour du colonial
Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, in Hommes & Migrations, n°1207, 1997, pp. 100-113
À l’aube des années 1980, la crise économique, la crispation du modèle d’intégration républicain, l’essor de I’ultra-nationalisme et le rejet d’une immigration d’origine africaine favorisent l’émergence, en France, d’une double image de référence de l’Autre : celle de l’« étranger-type » – potentiellement assimilable – et celle de l’« immigré-type » – prolongement de l’image coloniale de l’«indigène-type». Cette double représentation de l’Autre vient supplanter l’image du travailleur immigré des années 1970 et s’impose comme référence, implicite ou explicite, dans le débat sur l’immigration. L’« immigré-type » est alors caractérisé par ses différences culturelles, parfois «raciales », à travers la réapparition des stéréotypes d’hier, renforcés par la banalisation d’un discours xénophobe.
Le Pen, Vitrolles et les lois Debré. Vichy blues ?
Jacques Tarnero, in Hommes & Migrations, n°1207, 1997, pp. 115-120
La réponse à la montée en puissance des idées du Front national ne réside ni dans l’élaboration d’une loi de circonstance sur l’immigration ni dans l’évocation de Vichy. Les termes de la riposte semblent biaisés, par manque d’analyse des causes du succès de Le Pen qui, même s’il est un des derniers avatars d’un fascisme hexagonal se nourrit d’abord du temps présent. Une pratique politique gestionnaire des élites au pouvoir, le chômage et le libéralisme tous azimuts qui ont dissous les structures traditionnelles d’intégration, une cohabitation interethnique et interculturelle de plus en plus agressive, sont autant d’ingrédients qui favorisent la progression de ce parti.
La percée du Front National
Alec G. Hargreaves, in Hommes & Migrations, n°1313, 2016, pp. 29-35
En 1981, le FN n’avait même pas recueilli les 500 signatures nécessaires pour présenter un candidat à l’élection présidentielle. Deux ans plus tard, il fait une percée sans précédent aux élections municipales. Face à l’échec de la gauche devant la montée du chômage, Jean-Marie Le Pen s’est employé à polariser le débat public sur son thème de prédilection : l’immigration, présentée comme la cause de tous les maux qui touchent le pays. Ses amalgames ont peu à peu fait mouche dans des médias friands de polémiques. Voici comment ses idées sont devenues audibles
Justifier la xénophobie par le " seuil de tolérance"
Yves Charbit, in Hommes & Migrations, n°1330, 2020, pp. 76-79
La théorie du « seuil de tolérance » constitue un argumentaire prétendument scientifique développé dans les années 1970, ouvrant la voie aux discours populistes d’aujourd’hui. Légitimant la xénophobie, il visait à expliquer l’hostilité de la société française à l’encontre des immigrés par la présence d’une proportion excessive d’étrangers dans le pays.