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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.110.1
© EPPPD-MNHI

Refuge

Série photographique

Bruno Fert

Bruno Fert est photographe documentaire. A partir de 2016 il se lance dans un projet de photographie des intérieurs des refuges où tentent de se poser quelques temps les migrants sur la route de l’exil. Commencé à Calais, il va poursuivre ce travail dans d’autres villes et notamment à Samos en Grèce et à Vintimille en Italie.

Dans un article pour la revue Hommes & Migrations il revient sur sa démarche : 
« En 2016, je suis parti à la rencontre des populations migrantes qui franchissent la Méditerranée pour arriver en Europe. J’ai choisi de photographier les intérieurs des abris qu’ils se sont aménagés, le temps d’une étape, au sein des camps réfugiés, des « jungles » ou des centres d’accueil. Ces photographies d’intérieurs de tentes, de cabanes ou de chambres sont accompagnées de témoignages de leurs habitants.
Ce travail raconte l’exil en montrant les intérieurs où vivent les populations migrantes, de leur arrivée en Europe jusqu’à leur installation dans de véritables logements pérennes. J’ai choisi de parler d’eux en montrant leurs habitations car ces abris reflètent leur singularité et leur personnalité. Ils racontent leur vie à un moment difficile et important de leur parcours. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont ces hommes et ces femmes reconstituent un foyer avec les quelques objets qu’ils possèdent, ceux qu’ils gardent tout au long de leur voyage en souvenir de leur vie passée, d’autres qu’ils fabriquent ou achètent pour améliorer leur quotidien, transformer leur refuge et éloigner leur détresse.

Le critique Julien Verhaeghe écrit à propos des photographies d’intérieurs prises par Hortense Soichet à la Goutte d’Or : « Habiter est un geste élémentaire, une conduite fondamentale participant à la production de soi et de son rapport aux autres. Du coup, ce projet photographique nous rappelle qu’Habiter, c’est aussi Être, c’est aussi Vivre. »
Ainsi, habiter est ce que nous avons tous en commun. Que nous soyons nomades ou sédentaires, nous habitons tous. C’est à partir de ce point commun que je veux amener le public à s’identifier, à se mettre à la place de l’autre en observant son lieu de vie.

J’ai commencé cette série de photographies dans la « Jungle » de Calais où j’ai découvert des intérieurs saisissants d’ingéniosité et de beauté. Je l’ai élargie en Europe dans plusieurs lieux où les populations migrantes sont obligées d’interrompre leur voyage pour trouver le moyen de franchir une frontière ou attendre le feu vert d’une administration européenne lente et opaque. J’ai voyagé sur l’Aquarius, face aux eaux territoriales libyennes. Je me suis rendu en Grèce, à Samos, Athènes et Katsikas ; en Italie à Vintimille, puis en France dans des centres d’accueil, chez des particuliers, hébergeurs solidaires, et enfin chez des exilés qui avaient retrouvé des conditions de vie acceptables ». 
Hommes & Migrations numéro 1328, 2020 - Lire la suite de l’article 
 

L'ensemble des photographies de la série est présenté ci-dessous :

Informations

Inventaire
2018.110.1
Type
Photographie
Date
2018
Matériaux

Tirage pigmentaire sur papier Hahnemühle 305g contrecollé sur aluminium avec encadrement en chêne clair

Dimensions

H. 80 cm, l. 100 cm

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série)
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.109.1
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Vue intérieure de l'épicerie du camps tenue par Abdallah, 24 ans, Afghan.

Abdallah était épicier dans la province de Nangarhâr. C’était donc naturel pour lui d’ouvrir une épicerie dans la Jungle de Calais. Il n'a aucune envie de partir. Son commerce fonctionne bien et ses amis sont ici. Sa dernière fille est née dans le camp. Elle s’appelle Arzou, «espoir» en Dari.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.110.1
© EPPPD-MNHI

Refuge d'Ali, 18 ans, né au Koweit dans une famille bédouine.

La cabane d’Ali a l’air d’une chambre d’enfant. Un puzzle accroché au mur représente une belle demeure européenne. Ali est né au Koweït dans une famille bédouine. Il explique que les Bédouins n’ont aucun doit dans ce pays, même pas à la nationalité koweïtienne. Ali a toujours vécu sous une tente et cette cabane est sa première "maison". Au Koweit sa tribu se déplaçait à dos de chameau. Pour rejoindre l’Europe, Ali a surmonté sa peur en prenant pour la première fois l’avion et le bateau. Le désert et ses couchers de soleil lui manquent. Il évoque ses souvenirs d’enfance avec nostalgie ; quand il gardait les moutons à cheval ou qu’il faisait des bonhommes de sable dans le désert après la pluie. Ali confie qu'il a un rêve travailler un an ou deux en Grande-Bretagne, pour pouvoir offrir un pèlerinage à la Mecque à sa mère malade.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.111.1
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Altaher et Abdallah, 29 et 32 ans, Soudanais

Le voyage d’Altaher jusqu’à la Jungle de Calais a duré un an et demi. Aujourd’hui, Altaher a renoncé à tenter de rejoindre la Grande-Bretagne ; il pense que c’est trop compliqué, trop cher. Des amis lui ont parlé de Nantes et d’Angers. Sans connaître ces villes, il aimerait s’y installer et travailler comme ouvrier dans la construction. Abdallah, colocataire et compatriote d’Altaher, a décoré leur refuge. Lui non plus ne tente plus de traverser la Manche depuis bien longtemps. Où veut-il aller ? Il ne sait même plus. Abdallah ne sort plus beaucoup de chez lui. De jour comme de nuit, il peint, repeint et embellit leur cabane de façon presque mystique.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.112.1
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Fouad, 26 ans, originaire de Deraa en Syrie

Fouad a tendu un grand drapeau britannique sur les murs de sa petite cabane dans la Jungle de Calais. Derah était pour lui «la plus belle ville du monde dans le plus beau des pays». Fouad est arrivé à Calais il y a un an et a tenté la traversée de la Manche à de nombreuse reprises. Une fois, il a même cru qu'il y était arrivé ! Il s'était dissimulé à l'arrière d'un camion réfrigéré avec deux de ses amis. Les trois hommes ont passé les neufs heures de voyage dans le froid. Quand le chauffeur s'est enfin arrêté ils ont sauté du camion et couru le plus vite possible avant de s’apercevoir qu’ils étaient arrivés... en Espagne !

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.113.1
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Awesome, 43 ans, Pakistanais.

Il est le patron du plus beau restaurant de la Jungle, «Les Trois Idiots», où se retrouvent aux côtés des habitants du camp, de nombreux volontaires étrangers. Awesome aime accueillir les Européens dans son établissement : un petit mot pour chacun puis un selfie souvenir qu'il punaisera sur le mur. Son anglais est impeccable. Il était guide touristique à Peshawar jusqu’à ce que les touristes commencent à se faire rare et que les menaces à l’encontre de ceux qui les fréquentent deviennent plus sérieuses. Awesome a préféré partir. Après un an et demi de voyage, il ne souhaite désormais plus rejoindre la Grande-Bretagne et rêve plutôt d'ouvrir un nouvel établissement à Paris ! Pourquoi «Les Trois Idiots» ? Parce qu'Awesome a monté cette affaire avec deux amis, fans, comme lui, du classique bollywoodien «The Three Idiots».

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.114.1
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Abdelraouf, 40 ans, Soudanais. 

Ses parents vivaient dans une maison ronde faite de branches et de chaume. Il se souvient des baignades dans le Nil, des champs de blé et des récoltes en famille. Abdelraouf regrette cette époque ou il n'y avait pas de barrière entre les maisons ou entre les gens. En 2013 il quitte le Soudan à cause de la guerre pour rejoindre la Libye. Mais la guerre éclate là aussi et le pousse à fuir vers l’Europe. Arrivé à Calais, alors qu’il pensait simplement acheter un billet de train pour Londres, les autres réfugiés lui expliquent qu’il doit se cacher dans un camion. Au début, il refuse, trouvant cela trop humiliant. Mais depuis, il s’est fait une raison et essaie presque chaque jour depuis plus d’un an. Aujourd'hui il est fatigué de se cacher, fatigué d'échouer, fatigué de la violence de certains policiers.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.115.1
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.109.1

Ismaël, 18 ans, Soudanais.

Ismaël a le sourire de ceux qui viennent d’obtenir l'asile politique en France. Le jeune homme de 18 ans vivait au Darfour dans un village près de Nyala. Il travaillait aux champs dans la ferme familiale. La guerre a poussé Ismaël sur les routes de l’exil. Il a travaillé 6 mois en Libye pour se payer la traversée clandestine vers l'Europe en passant par l'Italie puis l'Allemagne. Arrivé enfin à Calais depuis le mois d’octobre 2015, Ismaël voudrait rester en France pour étudier. Il croit savoir qu’il y a beaucoup d’écoles à Lille. Une ville qu’il aime déjà sans la connaître. Il voudrait y poursuivre ses études pour apprendre un métier.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.116.1
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Moussa, 65 ans, né au Soudan.

A l’écouter, Moussa donne l’impression d’avoir vécu plusieurs vies dans de nombreux pays. Il est né au Soudan. Il s’est installé il y a trois mois dans le camp dit "des containers" ce camp officiel qui jouxte la Jungle de Calais. Il se souvient qu’il a bien cru mourrir sur le bateau en perdition, en pleine nuit, au beau milieu de la Méditerranée, avec une centaine d’autres migrants. Il décrit l’arrivée des gardes côtes italiens comme une seconde naissance : «j’ai vu la vie comme lorsque je suis sorti du ventre de ma mère !». Ses compatriotes l’ont désigné représentant de la communauté soudanaise de la Jungle et il souhaite que cette responsabilité lui permette de «changer la mentalité des Africains du camp», qui se disputent beaucoup trop à ses yeux. Aujourd’hui, Moussa aimerait apprendre le français et refaire sa vie ici.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.117.1
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Karwan, 31 ans, son épouse et ses 3 fils, kurdes irakiens.

La première fois que Karwan, sa femme (absente le jour de la prise de vue) et ses deux fils ont tenté de traverser la Méditerranée, leur bateau est tombé en panne en pleine nuit sur une mer très agitée. Quand l’embarcation a commencé à couler, Karwan a embrassé sa femme et ses enfants comme si c’était la dernière fois. Tout le monde criait ou pleurait à bord. Un des passagers a demandé de l’eau chaude pour le biberon de son fils. Les autres lui ont répondu qu’il n’en avait plus besoin puisqu’ils allaient tous mourir. Mais l’homme criait « qu’il ne voulait pas que son fils meure en ayant faim ». Cet événement a créé un débat sur le bateau et a contribué à détendre l’atmosphère. C’est à ce moment là que les garde côtes sont arrivés pour les secourir.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.118.1
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Barham, 31 ans, coiffeur, kurde irakien. 

L’unique siège du salon de Barham n’est jamais vide. Il coiffe en moyenne 25 personnes par jour. Mais seulement cinq ou six d’entre elles ont les moyens de lui payer les cinq euros que coûte la coupe. Il pratique aussi l'épilation traditionnelle des joues, au fil. Des Français viennent le voir spécialement pour cela, dit-il fièrement. En ville, les salons de coiffure sont très beaux mais selon lui, les coiffeurs ne savent pas couper les cheveux. Barham est arrivé quatre mois auparavant. Il a ouvert son salon à l’entrée du camp de la Linière. Mais c’est en Grande-Bretagne qu’il aimerait couper les cheveux.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.119.1
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Abas, 32 ans, Soad, 28 ans et Melina, 1 mois. Irakiens.

Abas et Soad sont Kurdes. Ils ont fui la guerre en Irak et espéraient arriver en Grande-Bretagne avant la naissance de Melina. Mais le couple est tombé sur des passeurs malhonnêtes qui ont pris toutes leurs économies sans jamais les faire passer. Depuis plus d’un an, Abas et Soad sont bloqués sans argent à Grande-Synthe mais ils tentent de passer malgré tout. Soad a accouché à Dunkerque et des volontaires lui ont offert le berceau. Abas espère qu'avec le Brexit, le gouvernement britannique autorisera les migrants à traverser la Manche.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.120.1
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Saman, 26 ans, Kurde irakien. 

D’ordinaire souriant et très avenant, Saman est silencieux aujourd’hui, et son regard est vide. La veille, avec d'autres migrants, ils ont quitté le camp de la Linière vers deux heures du matin pour prendre un bus qui les a déposés sur une aire d’autoroute contrôlée par des passeurs. Ils ont attendu accroupis dans les buissons qu’on leur désigne un camion. Ils sont montés à huit dans une remorque. Le camion est parti se garer ailleurs. Là ils ont attendu 13 heures durant ; puis le camion s'est garé sur un autre parking. Le chauffeur leur a alors crié de descendre. C’était la 48ème tentative de Saman depuis qu'il est arrivé à Grande-Synthe, il y dix mois. Saman montre les clefs de la maison qu’il habitait avec ses parents. Il n’a pas eu le temps de leur dire au revoir. Il rêve d'y revenir un jour et d’ouvrir la porte avec ces clefs.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.121.1
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Naef 28 ans, Zina 26 ans et leur enfants, Yézidis d'Irak. 

Ils vivaient dans le Sinjar, une province du nord de l’Irak, lorsque le groupe Etat Islamique a pris le contrôle de la région en août 2014 et massacré une partie de la population. La famille a d'abord trouvé refuge dans le camp de Dohuk, au nord de Mossoul, avant de prendre le chemin de l’Europe. Karam, leur fils âgé de 5 ans, a pu rejoindre l’Allemagne avec sa grand-mère. Mais avec la fermeture des frontières intérieures de l'Europe, Naef et, Zina et leurs trois filles sont désormais coincés en Grèce dans le camp de Katsikas. Maran réclame son petit frère et sa grand-mère mère qu’elle n’a pas vus depuis plus d’an an. Tout lui manque : ses amies, l’école «et en plus la nourriture est mauvaise dans le camp».

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.122.1
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Salima, 23 ans et son fils Mohammed 7 ans. Sierra-léonais.

Fille mère à 16 ans, Salima fuit son village en Sierra Leone craignant qu’une société secrète  lui prenne son fils Mohammed [ndla : en Afrique de l’Ouest, des sociétés secrètes règlent les activités sociales et politiques de leurs membres.]. Salima vit quelques années en Guinée, au Nigeria, en Algérie, puis décide de rejoindre l’Europe en passant par la Libye. A peine arrivée dans ce pays, elle est violée puis prise en otage avec son fils. «Ils vous donnent un numéro et alors vous devez payer par Monney Gramm. Quand vous payez, (...) l'argent passe par l'Egypte alors ils arrêtent de vous battre». Le petit Mohammed, 7 ans, est battu, drogué et forcé à tirer sur une des otages avec une arme à feu. Bien que sans famille et donc sans ressources pour payer la rançon, Salima et son fils sont néanmoins libérés au bout de quatre mois. Ils rejoignent les plages d’où partent les barques pour l’Europe. «Quand les sauveteurs sont arrivés mon fils était effrayé parce qu'ils ont demandé s’il y avait des femmes et des enfants à bord. Ils voulaient sauver Mohammed, mais lui avait peur».

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.123.1
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Karam, 6 ans et sa grand-mère, Khokje 50 ans. Yézidis d’Irak.

Karam est arrivé en Allemagne en janvier 2016 et vit avec Khokje, sa grand-mère, dans un centre pour réfugiés de la banlieue de Hanovre. Karam parle déjà l’allemand et va faire sa première rentrée à l’école. Ses parents et ses 3 sœurs sont bloqués en Grèce. Ils attendent depuis un an et demi l'autorisation de l'administration européenne pour pouvoir rejoindre Karam en Allemagne. Le garçon parle au téléphone avec ses parents 5 fois par semaine mais il ne sait pas quand il pourra les serrer dans ses bras.

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.124.1
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Nour, 31 ans et Tarek, 36 ans et leur 3 enfants, Syriens.

Nour et Tarek ont trois enfants. Ils avaient choisi de rester vivre et enseigner dans le village où ils sont nés en Syrie, près de Damas. «C’est facile d’enseigner aux gens que vous connaissez» ; «Le village, c’est une famille (...)» affirme Nour avec nostalgie. En 2011 la guerre éclate et s’installe durablement dans le pays. Nour et Tarek veulent rester dans leur village malgré les combats qui se rapprochent. Mais lorsque leurs enfants rentrent de l’école en chantant les hymnes de Daech, ils réalisent qu'ils doivent quitter le pays. «Parce que de mauvaises choses dans la tête c'est pire que de voir des gens tués». Il aura fallu cinq années pour que Nour et Tarek se décident à partir. Après 10 jours de voyage, le couple et leurs trois enfants arrivent en Grèce en mars 2016. La famille vit depuis quelques mois dans une chambre d'hôtel réquisitionnée par des militants. Nour y écrit des poèmes en pensant aux siens restés au pays :

«Pour une mère que j’ai laissée derrière, ses yeux ne peuvent jamais quitter mon esprit, le jour où je suis partie continue de frapper à ma porte il renverse mon âme, frappe encore et encore et je ne peux jamais savoir si je vais les revoir un jour».

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Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018
Bruno Fert, Refuge (titre de la série), 2018. Collection du Musée national de l’histoire de l’immigration, Inv. 2018.125.1
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Hotspot de Samos Grèce. Jamal, 52 ans. Iranien réfugié au Kurdistan irakien. 

Pour Jamal, les tentes du hotspot de l’île de Samos sont pleines de rêves : « Ce sont les rêves d’un homme de 50 ans, comme moi, ou ceux d’un enfant. Les miens sont plus grands que ma toute petite tente. » Jamal rêve de publier tous les livres qu’il n’a pas été autorisé à faire paraître dans son pays. Il rêve de revoir un jour sa femme restée en Iran ou de retrouver leurs enfants émigrés en Allemagne. En attendant, il écrit et lit des poèmes à la poupée qui lui tient compa- gnie dans sa tente. Kurde d’Iran, Jamal a été contraint de quitter son pays en 2005 pour s’installer au Kurdistan irakien. En 2016, les jeux d’alliance politique entre le Kurdistan et l’Iran le poussent à nouveau sur les routes. « Je n’ai même pas pu prendre deux livres avec moi. J’ai fermé l’appartement que j’avais loué et je suis parti avec un petit sac. (...) Ce qui me manque le plus, ce sont mes livres. »