Le parcours de la famille Cham
Wladimir Cham est né à Koshliaki, ville de l’actuelle Pologne appartenant alors à l’Ukraine occidentale (Galicie orientale), possession de l’empire d’Autriche jusqu’en 1920. En avril 1929, il répond à une annonce d’embauche affichée en mairie et de venir travailler en France en tant que manœuvre.
En effet, dix ans auparavant, le 3 septembre 1919, la France et la Pologne ont signé une convention « relative à l’émigration et à l’immigration », qui lance le recrutement à grande échelle de main-d’œuvre polonaise pour les mines, l’industrie et les campagnes. La Société Générale d'Immigration est chargée de prospecter et d'organiser l’arrivée en France de travailleurs polonais. Wladimir Cham, muni d’un certificat d’indigence et d’un certificat de bonnes mœurs du bureau communal de Koshliaki, transite dans un premier temps vers Myslowice (du 28 mai au 1 juin 1929) où un centre de rassemblement est établi. Puis il arrive en train à Toul, au « dépôt des travailleurs étrangers », avant de partir, muni d’un sauf-conduit, vers Saint-Pierre-La-Palud, en direction des mines de pyrite de fer de Saint-Gobain. Le 4 juin 1929, Wladimir arrive à Saint-Pierre-La-Palud. Il s’inscrit alors en mairie, le 05/06/1929, au registre d’immatriculation des étrangers, conformément à la loi du 8 août 1893, puis commence à travailler le 4 juin 1929. (cf. livre d’embauche de la mine, p.91)
Après l’effondrement du plafond de la galerie de la mine dans laquelle il se trouve, Wladimir Cham décide de quitter cet emploi au terme de son contrat, le 30 juin 1930. Le 1er juillet 1930, à la mairie de Saint-Pierre-La-Palud, il fait viser sa déclaration de changement de résidence et son départ pour Paris (cf. extrait du registre d’immatriculation des étrangers). Le 7 juillet 1930, Wladimir Cham travaille à Bezons, à la Société industrielle des Téléphones. Il est domicilié à Argenteuil, puis à Houilles à partir du 16 septembre 1930.
C’est en région parisienne qu’il rencontre quelques années plus tard Anna Lipianin (née le 20 novembre 1912 à Krzeszow-nad-Sanem, dans le hameau de Bystre, région de la Pologne possession de l’empire russe jusqu’en 1920), arrivée en France en juin 1930. Employée comme domestique en Seine-et-Oise, puis à Saint-Germain-en-Laye (1931-1933), puis est domiciliée à Houilles. Chez un ami de son frère, Anna Lipianin rencontre Wladimir Cham. Ils se marient civilement le 21 juillet 1934. Il n’y a pas eu de mariage religieux car Wladimir est gréco-catholique et Anna orthodoxe, ce qui est un motif d’empêchement pour l’église catholique.
A cette époque, la législation régissant le séjour des travailleurs étrangers se durcit, avec la mise en application de la loi du 11 août 1932 « protégeant la main d’œuvre nationale ». Wladimir Cham, ayant changé de département et de secteur d’emploi, se retrouve en situation irrégulière. Cela lui vaudra d’être expulsé, avec son épouse, au printemps 1935. De retour en Pologne, le couple construit une maison près de celle des parents de Wladimir, Basile Ivanovitch Cham et Marie Demianivna Budevytch. Anna Cham est enceinte. Afin que l’enfant reçoive le baptême gréco-catholique, Wladimir et Anna Cham se marient à l’église gréco-catholique de Koshliaki. Le 26 juin 1936 naît Rostyslaw Cham.
En janvier 1938, Anna Cham part une seconde fois pour la France, dans l’Oise, où sont installés plusieurs membres de sa famille. Son frère Nicolas Lipianin et le demi-frère de sa mère Antony Kopel travaillent à la ferme Gillouard à Beaugrenier-Montjavoult, son frère Antoine Lipianin travaille à la ferme d’André Lévêque à Le Fayel-Bourbiers. C’est dans cette même ferme qu’Anna est embauchée comme « bonne de ferme ». Son autre frère André Lipianin et sa famille Maria Termen ont également été employés dans cette ferme entre le 12 juillet et le 15 décembre 1937.Sa cousine Maria Popowicz qui travaille dans le Nord, rejoindra aussi l’Oise (Chaumont-en-Vexin). Le 21 mars 1939, Wladimir, muni d’un contrat d’ouvrier agricole, et Rostyslaw rejoignent à leur tour la ferme d’André Levêque.
En 1946-1947, Wladimir et Anna Cham entreprennent des démarches pour retourner en Union soviétique, via le Front national Ukrainien, présent en France. Ils abandonnent finalement ce projet, sans que la raison en soit bien identifiée.
Naturalisé en 1955, Wladimir quitte la ferme Rémy (Fleury-sur-Oise) où il est employé depuis 1949, pour travailler en usine. Il finira sa carrière comme ouvrier à l’usine de tracteurs Massey-Ferguson à Beauvais le 30 septembre 1971 à l’âge de 65 ans. Retraité, il a passé un examen professionnel pratiques de cordonnier pour avoir le droit d’exercer son métier d’origine, appris à Koshliaki.
Elisabeth JOLYS-SHIMELLS, conservatrice en chef du Patrimoine en charge de la collection Témoignages et société
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tirage photographique
H. 20,4 cm, l. 26,8 cm