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Mon cousin dans la mort

Le petit Maurice débarque au village. On est en 1960, il a été envoyé en métropole chez sa tante Yvette pour le mettre à l’abri : en Algérie c’est la guerre.

Très vite, le gamin, caricature grossière de certains, se révèle belliqueux, un brin tortionnaire même. Pour devenir le nouveau petit chef de bande, il lui suffira de gifler Lili, celle que l’on affuble du sobriquet de "sorcière", de lui piquer sa poupée de chiffon pour l’offrir en guise de sacrifice aux garçons de l’école. Lili est seule. Rejetée. Son père, Roger, le fossoyeur du village, accablé de malheur depuis la mort de son fiston, en Algérie justement, dans une guerre qui ne le concernait pas, passe ses journées à se saouler. A rudoyer sa fille aussi. Lilli se choisit pour refuge le cimetière et pour confidente une tombe. Celle de Madame Henriette avec qui elle prétend dialoguer. Le jour de l’enterrement de son grand-père, le P’tit Lucien surprend Lili en pleine discussion d’outre tombe. Entre peur et attirance, il finit par croire Lili qui lui annonce qu’il serait le cousin dans la mort du nouveau venu, Maurice. Dixit Madame Henriette. Les élucubrations du gamin finissent par le faire passer pour un zinzin aux yeux de sa mère qui doit en plus, elle, se coltiner sa propre mère, veuve venimeuse et vindicative.

Avec comme toile de fond la guerre d’Algérie et ses répercussions dans une petite communauté de métropole, l’histoire file, portée par un coup de crayon fringant et vif, expressif aussi, une ambiance colorée et plutôt bienveillante dans un tableau où résonnent les cruautés de l’enfance et les bruit de guerre des adultes. Ceux des vivants du moins. "Un garçon ça doit jouer au soldat" dit Lucien. "Un soldat ça ne revient jamais de la guerre" lui répond Lili.

Mustapha Harzoune
 

François Duprat, Mon cousin dans la mort, La Malle aux images, 2014, 64 pages, 13,50 €