Que serait la France devenue sans l’immigration ?
Conférence de François Héran, directeur de recherche, Institut national d’études démographiques (Ined), animéé par Marianne Amar
De la Seconde Guerre mondiale à nos jours, la France est passée de 40 millions d’habitants à plus de soixante. L’idée circule que cet accroissement serait entièrement dû à l’immigration, comme si le baby-boom et le recul de la mortalité n’avaient pas joué. Or, on peut calculer ce que serait aujourd’hui la population de la France si l’un ou l’autre de ces facteurs avait fait défaut depuis la guerre. Il apparaît que le rôle de l’immigration dans la dynamique démographique du pays est décisif mais nullement exclusif. Il ne faut ni le minimiser ni le majorer.
On élargira ensuite le propos. La France pourrait-elle se passer de migrants ? Deux arguments de nature très différente sont souvent avancés en leur faveur. D’un côté, ils contribuent à combler les pénuries de main-d’œuvre et à corriger une pyramide des âges vieillissante. De l’autre, ils migrent essentiellement parce qu’ils en ont le droit. Alors que la pertinence de l’argument utilitariste varie selon les lieux et les époques, tout en ouvrant la question des "coûts et bénéfices" de l’immigration, l’argument juridique invoque un principe constant mais il se heurte au souverainisme des États.
Au lieu de trancher la question a priori, on examinera les faits. Entre la logique du marché et la logique des droits de l’Homme, laquelle a effectivement prévalu dans la migration vers la France depuis cinquante ans ? Pourquoi le lien entre flux migratoires et situation économique varie-t-il si fortement d’un pays à l’autre ? Pour le comprendre, on analysera l’échec des tentatives menées en France pour ajuster les flux d’entrée aux "capacités d’accueil". On reviendra en conclusion sur les deux dilemmes qui hantent toute politique migratoire : fatalisme ou volontarisme, acceptation ou déni du réel.
Repères bibliographiques autour de la conférence proposés par la Médiathèque Abdelmalek Sayad.