Italianité : l’immigration en ses lieux
Une conférence de Stéphane Mourlane, commissaire scientifique de l’exposition Ciao Italia, maître de conférence en histoire contemporaine à l’Université d’Aix Marseille.
Il est d’usage de souligner la bonne intégration voire l’assimilation des Italiens en France. Sans que cela soit à remettre en cause, les migrants n’ont pour autant jamais totalement rompu avec leur pays d’origine. Ils ont notamment trouvé en France des espaces de construction, d’expression, de diffusion d’un ensemble de représentations fondées sur l’appartenance à une communauté d’origine, souvent désignée par la notion d’italianité, et qui se traduit par des formes de relations concrètes ou symboliques avec l’Italie.
L’État italien a été l’un des principaux vecteurs de l’italianité au sein des "colonies" italiennes à l’étranger. Dès l’époque libérale, en France, comme ailleurs, les consuls sont chargés de maintenir et développer les liens avec la "mère-patrie". Ils peuvent s’appuyer sur les comités de la Société Dante Alghieri, très actifs notamment dans la diffusion de la langue italienne. Avec le régime fasciste, à partir du milieu des années 1920, la pression s’accentue. Il s’agissait, selon la propagande, de "sauver l’italianité à l’étranger". Au-delà de la constitution de structures du parti national fasciste (fascio), les fascistes touchaient une part non négligeable des migrants, notamment les plus jeunes, à travers l’action sociale et culturelle. Dans les années 1930, la cinquantaine de Case d’Italia en France a pour ambition de rassembler les activités politiques, sociales et culturelles sous la tutelle fasciste et de devenir des lieux phares de l’italianité.
Les lieux de piété ont été d’autres points d’enracinement. La fréquentation des églises - animées par des missionnaires investis également dans l’action sociale - la participation aux fêtes votives ou aux pèlerinages ont constitué pour les migrants italiens une manière de rester fidèles à leurs racines.
Les associations d’entraide ou récréatives ont été aussi des lieux d’un entre soi sur la base d’une valorisation des origines tandis que des espaces de sociabilité plus informels, permettaient le maintien d’un sentiment d’appartenance à une même communauté d’origine. Les cafés, enfin, ont tenu une place essentielle. Tenus par un compatriote, ils ont pu servir de lieux de réunion à des organisations politiques ou syndicales. Mais ils ont surtout été des lieux où l’on se retrouvait pour jouer, ou pour lire la presse, celle venue d’Italie et celle éditée en France par et pour les Italiens.
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