Qu'est ce que la "diversité" ?
En théorie, la diversité, terme apparu dans le débat public au milieu des années 90, est sensée dresser le constat que les Français sont variés et bigarrés : diversité des origines géographiques, des couleurs de peau, des genres, des accents, des croyances, comme des langues parlées ou des cuisines. La diversité tendrait à faire de la nation française un kaléidoscope d’identités composites et mêlées. Avec à la clef la crainte pour les uns d’une communautarisation du pays et pour les autres sa réduction à un identitarisme fermé et figé.
De la diversité aux "racisés"
Au XIXe siècle, à Paris, la « diversité » était bretonne, auvergnate ou aveyronnaise. L’exode était rural et les migrations internes. Le peuple de France se découvrait varié et l’étranger désignait celui qui n’était pas du village.
Au mitan du XIXe siècle, la diversité devient européenne, allemande, belge, polonaise, italienne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’immigration algérienne se renforce et arrive les immigrés portugais. En fait, jusqu’aux années 1990, la nation française ignorait "sa" diversité (voir l'article en ligne de Milena Doytcheva sur ce sujet). Le vocable est neuf. Il servira à désigner les Français d’origine africaine, Noirs d’Afrique subsaharienne et Arabo-Berbères d’Afrique du Nord ou les Français d’Outre-mer. Depuis, il a été question de Français "issus de la diversité", puis de "minorités visibles" et plus récemment de personnes « racisées » pour souligner les discriminations dont elles sont victimes. Le constat de la diversité dressé, chacun, avec ses mots et ses grilles de lecture, y va de sa théorie et de ses options politiques : trop plein pour les uns, trop peu pour les autres…
En 2022, la « diversité » semble être passée de mode. Elle peut même être contestée par ceux-là même qu’elle est sensée désigner. Pourtant, elle « survie » dans l’espace médiatique (voir le Baromètre de la diversité qui inclue également la représentation des femmes ou du handicap).
Conjuguer plusieurs appartenances
En France, on peut conjuguer plusieurs appartenances culturelles, sociales, linguistiques... On peut être français et rester attaché à l’Espagne, être musulman et laïc, régionaliste et européen, citoyen de France et citoyen du monde. Pour être ancrée dans une histoire et une civilisation, la France est aussi le résultat d’une Histoire-Monde, partant elle est à la fois homogène et composite et se construit dans l’espace fécond de cet « écart ». La diversité est l’indice de l’histoire, elle résulte aussi de cette histoire de France, en particulier de deux siècles d’immigrations adossés, entre autres, à plusieurs siècles de colonisation. Les apports et les appartenances y sont multiples et plus visibles.
Désormais, la diversité est amplifiée par les nouveaux outils de communication internationaux que sont l’internet, la télévision par satellite, le téléphone portable, la rapidité et la baisse des coûts des transports (du moins avant la crise sanitaire), comme par les migrations pendulaires ou les diasporas à cheval sur plusieurs pays ou continents.
Plutôt « une bonne chose »
La diversité (des idées, des capacités, des potentialités, des savoir-faire, des imaginaires…) en multipliant les sources de créativité et d’innovation serait un atout pour le développement. Facteur d’enrichissement culturel, la diversité contribuerait à stimuler la croissance et à multiplier les échanges avec le reste du monde.
En 2010 un sondage TNS Sofres montrait que 93% des Français estimaient vivre dans une société de grande diversité des origines et des cultures. 77% disaient apprécier cette diversité contre 17% qui la qualifiaient de mauvaise chose. 28% des Français déclarent avoir un grand parent ou un parent d’origine étrangère, et 22% se disent porteurs de plusieurs cultures. Cette diversité du peuple français explique peut-être que pour 62% des sondés, l’intégration est avant tout perçue comme « la possibilité pour un individu de vivre ses différences culturelles, tant que cela ne heurte pas ses concitoyens ».
En 2019, Le Parisien rendait compte des résultats du deuxième baromètre de la fraternité, titrant : « 81% des Français jugent que la diversité est une «bonne chose» et d’ajouter « même s’ils avouent pour la plupart ne pas fréquenter des personnes différentes » (voir l'article en ligne). Selon l’étude menée par OpinionWay (étude réalisée par OpinionWay pour le Labo de la fraternité auprès d’un échantillon de 1 013 personnes du 24 au 26 avril) pour le Labo de la Fraternité, un collectif de 26 associations, la moitié des sondés (50 %, + 2 points) estiment que les Français sont aujourd’hui « prêts à échanger et agir avec des personnes dont les origines sociales, convictions religieuses ou origines ethniques sont différentes » des leurs, même si, pour l’heure et « dans les faits, ils ne fréquentent que ponctuellement des personnes différentes d’eux-mêmes ». L’explication semble simple : le manque d’occasions (46 %) et de temps (30 %). Partant pour le philosophe Abdennour Bidar, président de l’association Fraternité générale, il faudrait « casser la logique des ghettos », créer des occasions pour se mélanger.
En 2021, le goût des autres des Français se confirme une nouvelle fois : pour 84% des sondés, « la diversité sociale, culturelle et ethnique dans le monde du travail est une bonne chose », d’après une enquête Elabe pour la Fondation Mozaïk (accéder à l'enquête). Pour ce qui est des principaux apports de cette diversité, les personnes interrogées mettent en avant « une hausse de la créativité et de l’innovation », « une meilleure cohésion d’équipe », ou encore « l’aisance linguistique ». L’étude a aussi révélé que les Français perçoivent l’entreprise (54%) comme un acteur clé pour faire changer les choses dans ce domaine, devant l’État (35%), les cabinets de recrutement (31%), les salariés et le personnel éducatif (25%). Pourtant, 30% des salariés ont confié que la diversité n’était pas présente au sein de leur entreprise ou leur organisation. D’ailleurs, « pour une très large majorité », l’origine sociale, culturelle ou ethnique seraient un frein tout au long du parcours professionnel. Ce que confirment les enquêtes sur le poids des discriminations.
Mustapha Harzoune, 2022