Éditorial

Brain drain versus brain gain ?

Rédactrice en chef de la revue

Comment l’Afrique affronte-t-elle la mondialisation ? Hamidou Dia, sociologue de l’Institut de recherche pour le développement, rassemble ici les travaux des chercheurs de l’Afrique francophone et analyse les politiques éducatives menées par les États depuis les ajustements imposés par les institutions financières internationales dans le sens d’une libéralisation.

On observe à travers les articles combien la situation socio-économique des étudiants conditionne leur parcours migratoire d’études. Dans ce domaine, l’université publique, jadis fer de lance des jeunes pays indépendants, est confrontée à une crise structurelle face à l’explosion des effectifs et aux difficultés de tous ordres, alors que le marché privé, incité par les organismes internationaux, change la donne des études supérieures. Les écoles de management, de communication et de marketing supplantent désormais les universités classiques. Pour donner à voir l’état des universités africaines, Camille Millerand, collaborateur régulier de la revue, propose tout au long du dossier un reportage sur le campus d’Abidjan. Depuis la crise post-électorale en 2011, l’État ivoirien a injecté près de 110 milliards de francs CFA pour assurer la rénovation du campus universitaire d’Abidjan. On ne l’appelle plus “campus de Cocody”, mais “campus Félix Houphouët-Boigny”. Et certains étudiants rencontrés en 2009  lui ont raconté que malgré ce coup de peinture général, le malaise estudiantin perdure  (wwww.camillemillerand.com).

Le dossier analyse les conséquences de ces mutations sur les migrations dites qualifiées. Les migrations se sont diversifiées géographiquement et dans leurs modalités. L’Afrique contribue au “mercato des compétences” en faisant partir des étudiants et des jeunes professionnels, jadis majoritairement boursiers de leur État,  aujourd’hui de plus en plus dépendants de leurs réseaux familiaux pour financer leurs études à l’étranger et pour les aider sur place. La vocation de ces migrations n’est pas forcément inscrite dans une politique de coopération bilatérale. La France n’est plus vraiment centrale dans le recrutement des talents africains, même si une grande partie des étudiants souhaitent toujours s’y rendre. Dans une logique plus individualiste, ceux qui partent espèrent, par des formations complémentaires à l’étranger, pouvoir s’insérer dans le marché du travail à hauteur de leurs diplômes.

Ces migrations qualifiées peuvent changer l’image du continent africain dans le monde. Si l’Afrique fait partir ses étudiants les plus méritants en vue de former de futures élites, les étudiants veulent s’introduire dans la circulation mondiale, garante d’une intégration dans les sphères dominantes, ici ou ailleurs. Le débat sur “la fuite des cerveaux”, jadis perçue comme une fatalité des économies africaines, s’avère dépassé à la lecture de ces travaux. Ces nouvelles diasporas de compétences “multisituées” font émerger une théorie du “brain gain” plus dynamique, dont les contours restent à préciser.

La situation dramatique du peuple kurde, en Irak et en Syrie, occupe l’actualité. La revue s’en fait l’écho par un ensemble de chroniques qui évoquent l’arrivée de Kurdes en Europe, après le massacre à l’arme chimique du village de Halabja, au Kurdistan irakien, en 1988, et la manière dont ces réfugiés se sont insérés dans nos sociétés tout en mobilisant la diaspora sur le sort de ceux qui sont restés sur place.