Images confisquées, histoires invisibles
Les musées de migration sont nés d’un paradoxe. Leur revient en effet de rendre visible la place des migrants dans l’histoire du pays afin de contribuer à leur reconnaissance dans l’espace public. Or comment rendre compte, dans l’exposition, d’une histoire justement marquée par l’invisibilité sociale ? Avec quelles images, quelles traces laissées, faire malgré tout récit du passé ? Comment ne pas recouvrir le manque d’image par des images de substitution – notamment contemporaines – que l’on exposerait « faute de mieux », pour conjurer la peur du vide, au lieu d’en faire l’un des enjeux de l’exposition ? Exposer, enfin, suffit-il à rendre visible et à reconnaître ? « Je suis invisible, comprenez bien, parce que les gens refusent de me voir », constatait ainsi le héros de Ralph Ellison[1].
[1] Ralph Ellison, Homme invisible, pour qui chantes-tu ?, Paris, Grasset, 2002.