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Française

En ayant l’air de s’inscrire dans certaines idées reçues (fusse pour les contredire), le film prend le risque de décevoir ou de déplaire à beaucoup de monde. Cela commence avec le titre et l’affiche qui claquent comme un slogan publicitaire ou un prospectus électoral…

En ayant l’air de s’inscrire dans certaines idées reçues (fusse pour les contredire), le film prend le risque de décevoir ou de déplaire à beaucoup de monde. Cela commence avec le titre et l’affiche qui claquent comme un slogan publicitaire ou un prospectus électoral. Le visage résolu et typé, genre beurette citoyenne, d’Hafsia Herzi (emblèmatique depuis son époustouflante interprétation de La graine et le mulet où elle remportait contre le destin hostile, un marathon émérite de danse du ventre) se détache en tenue tricolore d’un ciel pastel, caractéristique de la « douce France ». Bien sûr, il n’en est rien. Mais le film, faute d’intentions plus clairement exprimées, aura quelques peines à dissiper les malentendus et à s’installer dans une démarche plus subtile. A la suite d’une décision familiale autoritaire, Sofia, 12 ans (la fillette est interprétée par Alexandra Martinez), qui vivait sans histoire dans une cité de province plutôt accueillante, est contrainte de suivre ses parents (père, mère, frère et sœur aînée) dans leur réinstallation au Maroc. Nous les retrouvons quelques années plus tard. En apparence leur réinsertion s’est bien passée. Ils vivent sur leur terre et exploitent une propriété agricole. Fouzia, la sœur aînée (Sihame Sani) va faire un beau mariage, le père (très finement interprété par Maher Kamoun), sans se départir tout à fait de son air taciturne, a retrouvé ses affinités terriennes ; la mère (Farida Khelfa), plus volubile, occupe des fonctions sociales conformes à ses valeurs. Rachid le cadet fait pétarrader sa mobylette et fonce sans vrais soucis vers l’avenir (l’amusant Aymen Saîfi, révélation de Saint Jacques-La Mecque). Seule note discordante : Sofia qui revendique à corps et à cris sa nationalité française et son désir de rentrer dans son pays. Tout la rebute depuis son arrivée : la poursuite de ses études dans une pension privée où la pieuse Mme Laktani (Amal Ayouch) ne fait pourtant pas régner une discipline de fer et où ses camarades ne sont pas des oies blanches ; son petit copain Amar (Salim Gharbi) plutôt beau gosse mais qui a le tort de révéler ses intentions maritales ; le confort de leur demeure plus proche d’un riadh que d’un gourbi… Elle vit sous tension, en conflit avec tout le monde à propos de n’importe quoi, se nourrissant d’illusions et de souvenirs exacerbés. Hafsia Herzi excelle dans ces compositions extrêmes sans pour autant calquer son jeu sur les débordements de son rôle précédent. Ceux qui la croyaient installée dans un succès répétitif, devront réviser leur jugement. D’ailleurs sa sainte colère et son obsession se lézardent quand elle s’exténue à travailler au champ dans le sillage d’un père affectueusement aimé ; quand elle se fait complice des enfantillages du petit frère ; quand son amour irraisonné et capricieux pour la France se transforme en passion pour Baudelaire et son Invitation au voyage qu’elle s’oblige à traduire en Arabe. Finalement le film traite plus d’une crise adolescente que d’une quête identitaire. La fin laisse planer un doute sur l’utilisation du passeport récupéré. Les explications suggérées ne sont pas toujours convaincantes. Dans son premier court-métrage : Salam -1999- la réalisatrice jouait aussi sur l’ambiguïté d’un retour. Il s’agissait d’un vieil immigré qui ne voulait pas perdre la face. Le rapprochement peut ne pas être fortuit. André Videau
Réalisé par Souad El-Bouhati Avec Hafsia Herzi, Farida Khelfa, Maher Kamoun, Aymen Saïdi Film français, marocain. Genre : Comédie dramatique Durée : 1h 24min. Année de production : 2007 Date de sortie : 28 mai 2008 Distribué par ARP Sélection