La valise de Soundirassane Nadaradjane
Né en 1950 près du comptoir français de Karikal, en Inde, Soundirassane Nadaradjane arrive en France en 1972 où il suit une formation de tourneur dans le Sud-Ouest. En 1954, dans le mouvement de l’indépendance de l’Inde, les habitants du comptoir de Karikal sont sommés de choisir ou non la nationalité française. La famille de Soundirassane Nadaradjane a choisi d’opter pour la nationalité française, ainsi ce dernier est français lorsqu’il arrive dans l’Hexagone.
« On est parti à trois, trois copains avec la même valise et le nom dessus. Ça m’a fait plaisir de partir, comme ça je pourrai aider la famille. J’avais un peu peur aussi, parce que j’étais le premier. À part les copains, je ne connaissais personne. À dix mille kilomètres, dans une autre civilisation et une autre langue, je ne savais pas ce que serait ma vie, si j’allais réussir » (Soundirassane Nadaradjan, 2005, extraits des portraits Histoires singulières réalisés par l’Atelier du Bruit -Irène Berelowitch et Xavier Baudoin-).
Au moment de partir, Soundirassane Nadaradjane réunit dans sa valise les objets liés aux personnes qu’il s’apprête à quitter, à sa religion, et ceux qu’il a préparés pour sa nouvelle vie en France. Du cube de plexiglas lui permettant d’associer les dieux qu’il honore et les proches qui lui manquent, du rasoir que lui remet son oncle à la serviette associant les couleurs des drapeaux de l’Inde et de la France, choisie par son père en guise de clin d’œil, jusqu’au répertoire de vocabulaire qu’il rédige et à la pile de vêtements achetés en prévision de sa vie future en France, cet ensemble résume les souvenirs et les attentes de Soundirassane Nadaradjane.
« Je suis le premier garçon, j’avais le devoir d’aider les autres pour leurs études. C’est avec ce but-là que je suis venu en France. J’ai passé le BEPC en anglais, et comme mon oncle travaillait à la banque, j’ai continué par la dactylographie, en espérant qu’il pourrait me trouver une place. J’avais commencé la sténo aussi. Et puis la France a envoyé des gens à Karikal pour recruter des travailleurs. Avec les copains, ils nous ont fait faire des tests psychotechniques. J’ai réussi l’examen, mais j’ai dû faire un stage de trois mois à Pondichéry pour apprendre le français, je ne parlais que l’anglais. Après, ils m’ont demandé : « Qu’est-ce que vous allez faire comme métier ?» Je n’avais pas le temps de réfléchir, alors j’ai répondu : « Bon, je vais faire tournage ». Donc, je suis venu directement pour apprendre un métier, trois mois à Bordeaux-Bègles et six mois à Brive-la-Gaillarde » (Soundirassane Nadaradjane, 2005, Atelier du Bruit).
En 1973, il est embauché à Paris. « Il fallait de l’argent, parce qu’au bout de trois ans, mon père prenait sa retraite. J’étais obligé de démarrer vite. J’aurais pris même un travail de manutention. Après, j’ai voulu changer, comme mes copains, pour aller dans un bureau, mais mes frères sont arrivés au bout de deux ans, il fallait les loger, alors je suis resté. Eux, ils ont choisi électronique, je les ai conseillés. Moi, j’étais venu tout seul, j’étais le premier et je ne savais pas. Comme dit le proverbe, il faut aimer ce qu’on trouve. C’est un métier dur, c’est vrai. Avec le bruit des machines, j’ai perdu un peu d’audition » (Soundirassane Nadaradjane, 2005, Atelier du Bruit).
En savoir plus :
Voir le portrait de Soundirassane Ndaradjane réalisé par l'Atelier du bruit