La valise "militante" de Manuel Valente Tavares
Don de Manuel Valente Tavares
Le parcours de Manuel Valente Tavares
Manuel Tavares a été exilé trois fois. Etudiant en médecine opposé au régime salazariste, il quitte le Portugal en 1971, pour le Brésil, où se trouve une partie de sa famille. Sa rencontre avec une étudiante chilienne lui donne envie de participer à la révolution socialiste démocratique de l’Unité populaire du président Salvador Allende. Tous deux s’installent alors à Santiago, Manuel Tavares participe aux luttes des étudiants et aux luttes pour l’éducation à la santé dans les quartiers populaires. "J’étais très engagé, comme militant d’un parti de gauche révolutionnaire (MIR)".
Mais le coup d’état du 11 septembre 1973 et l’instauration du régime de terreur dirigé par le général Pinochet décide Manuel Tavares à quitter le pays, avec son épouse et sa fille, âgée de six mois. Grâce au soutien de l’archevêché de Santiago qui, en lien avec les Nations Unies, aide les postulants à l’exil, la famille parvient à obtenir l’asile politique en France.
"Dans l’avion, nous étions une dizaine de familles de réfugiés. A l’arrivée en France, en mai 1974, un comité d’accueil de la Cimade était là pour nous recevoir. Cela m’a beaucoup étonné ! Autour d’un café, ils nous ont annoncé, presque en s’excusant, qu’il n’y avait plus de place à Paris, mais qu’ils pouvaient nous proposer d’aller à Lyon, si cela nous convenait. De notre côté, nous étions déjà tellement soulagés d’être accueillis en France, peu importe où l’on nous installait. Les membres de la Cimade ont acheté nos billets de train, nous ont conduits Gare de Lyon et nous ont invités à déjeuner au Train bleu ! A Lyon, nous étions totalement pris en charge dans un foyer et on bénéficiait d’une aide pour les démarches administratives. La population française était très bien disposée à notre égard. On ne pouvait pas rêver meilleur accueil. Cela nous a aidés à surmonter le traumatisme de l’exil. La prise en charge des exilés politiques chiliens contraste beaucoup avec la façon dont les immigrés sont traités aujourd’hui en France et en Europe".
A cette époque au Portugal, sous l’impulsion des militaires du M.F.A., la dictature chute le 25 avril 1974, ouvrant la voie à la Révolution des œillets. Manuel Tavares veut en être. Il retourne dans son pays d’origine, termine ses études de médecine tout en poursuivant un intense engagement politique. A partir du 25 novembre 1975, une action politico-militaire met fin au processus révolutionnaire, la normalisation démocratique prend le pas.
Manuel Tavares retourne en France effectuer une spécialité en pédopsychiatrie. "J’avais rencontré auparavant ma deuxième épouse, française. Nous avons eu un enfant et fait le choix de l’élever en France. Je suis donc revenu en France cette fois non plus comme exilé, mais comme immigré".
La valise et le passeport de Manuel Tavares
Manuel Tavares rejoint le parti des Verts comme responsable de la commission immigration. En février 1997, le projet de la « loi Debré », vise à expulser massivement les étrangers en situation irrégulière et à pénaliser ceux qui les aident. Un fort mouvement de protestation s’organise. Avec ses amis portugais, et en se souvenant de ceux, dans les années 1960-1970, qui avaient fait o salto, entrant massivement en France sans papiers, Manuel Tavares crée le « Collectif Portugais Contre la loi Debré ». Rapidement, il élargit ses objectifs pour devenir le « Collectif Portugais Pour une Pleine Citoyenneté ».
En février 1997, lors d’une manifestation, Manuel Tavares se munit d’une valise ornée des slogans "Je suis citoyen du pays que j’habite" et "Droit de vote pour tous à toutes les élections". Il la porte sur l’épaule, à l’image des immigrés portugais à l’arrivée en gare d’Austerlitz sur les clichés de l’époque. Son geste marque, la photo de la valise est diffusée dans de nombreux journaux de la presse écrite et télévisuelle, ainsi que dans un manuel scolaire d’Education civique dans le chapitre consacré à la citoyenneté.
Manuel Tavares fait également don au musée de son premier passeport, portugais, obtenu malgré la réticence des autorités à délivrer des documents de voyages pendant la dictature salazariste. «J’étais étudiant en médecine, et je voulais quitter le pays car j’étais opposant au régime dictatorial et à sa guerre coloniale. J’ai tout de même pris le risque d’écrire au commandant de la caserne où je devais être incorporé: "Je vais bientôt défendre ma patrie, prêt à verser mon sang pour elle. Avant de risquer la mort, je voudrais revoir mes parents, immigrés au Brésil quand j’étais tout petit. M’autoriseriez-vous à leur rendre visite?» Quelle ne fût pas ma surprise de recevoir une autorisation de voyage pour trois mois! J’ai obtenu ce passeport, que j’ai gardé précieusement par la suite. Il porte les tampons du départ du Portugal, de l’arrivée au Brésil, du séjour au Chili et du «visa court séjour», délivré par l’ambassade de France au Chili. C’est ce qui m’a permis, une fois en France, d’obtenir le statut de réfugié, délivré par l’OFPRA, et le passeport, la carte de séjour et la carte de travail. Sur ces papiers il est indiqué «refugié en provenance du Chili. Tous ces papiers, ont été pour moi, en quelque sorte, des passeports pour la liberté!" "
En savoir plus sur l'immigration portugaise :
- Exposition : Pour une vie meilleure, photographies de Gérald Bloncourt
- Dossier thématique : L’immigration portugaise en France au 20ème siècle
En savoir plus sur l'immigration chilienne :
- Dossier thématique : Les réfugiés chiliens
- Dossier thématique : Les exilés chiliens en France : approche sociologique
- Collection : Le passeport de Cristina Diaz Vergara
- Collection : L'arpillera de Maria R.
Les parcours des donateurs du Musée font l’objet d’entretiens filmés, retrouvez-les sur cette carte :