La veste de chef cuisinier de chez Petrossian de Rougui Dia
Don de Rougui Dia
Le parcours de Rougui Dia
Dans les années 1960, le père de Rougui Dia quitte sa famille et le Sénégal pour la France, espérant y travailler quelques années, avant de retourner au pays. L’immigration temporaire s’étire sur la durée et devient définitive. Femme et enfants le rejoignent. Rougui naît en 1976 à Paris puis la famille qui s’installe en Seine-Saint-Denis où grandissent les sept enfants.
Chez les Dia, soucieux de leur intégration, la culture sénégalaise s’exprime dans l’intimité du foyer. «Mon père a toujours voulu qu’on reste attachés à notre culture africaine. Il disait : "On est en France, et on respecte le pays dans lequel on est, sans pour autant ne pas respecter ce que l’on est ». Il lui arrivait d’acheter du vin qu’il offrait à ses collègues, mais il leur demandait de l’emporter pour le boire chez eux, par respect de sa religion musulmane. Mes parents s’intégraient à la France à l’extérieur de la maison, prenant des cours du soir pour perfectionner leur français. En revanche, en arrivant à la maison, on parlait peul, la langue du village de ma mère. Et on mettait la tenue africaine, le boubou, pour être à l’aise".
Un jour, pour Rougui, c’est le déclic : "Je voulais faire de la cuisine, j’avais treize ans". Elle intègre une école hôtelière et entame un long apprentissage.
De cette période, elle a conservé sa toute première cuillère en bois qu’elle a donnée au musée en plus de sa veste de chef cuisinier. Pour souligner la rencontre de sa double culture franco-sénégalaise, elle a demandé à sa nièce de la peindre de couleurs évoquant l’Afrique. Pourtant, ce n’est que tardivement, à vingt et un ans, que Rougui découvre pour la première fois le village de ses parents. "J’ai décidé de prendre un billet, le temps des vacances, dans un pays que je ne connaissais pas du tout. Je me souviens de moi, débarquée sur le tarmac, vêtue à l’européenne, avec un tailleur à rayures et en talons, alors que tout le monde était habillé en boubou. Arrivée chez mes cousins, je me suis changée et j’ai mis ma tenue africaine, comme pour dire, c’est bon,je suis là. J’ai ensuite voulu parler peul, mais personne ne me comprenait. Il m’a fallu un peu de temps pour me réapproprier mes racines".
Gravissant les échelons dans le domaine culinaire, Rougui est recrutée en 2001 par Armen Petrossian qui avait repris la gestion de la célèbre maison Petrossian, boulevard La Tour-Maubourg dans le VIIe arrondissement. Dans les années 1920, deux frères d’origine arménienne, Melkoum et Mouchegh Petrossian, avaient initié Paris au caviar. Leur cuisine est devenue réputée, et la société Petrossian est aujourd'hui le premier importateur mondial de caviar.
Rougui se perfectionne donc aux côtés de grands cuisiniers, Christophe Conticini et Sébastien Faré. Pendant presque dix ans, elle révolutionne le quotidien de la carte. "J’ai toujours voulu faire de la cuisine française. Mes plats sont basés sur cette tradition culinaire que j’interprète en puisant dans mes origines sénégalaises et dans mes voyages aux Antilles, en Inde, à Bali, etc. La cuisine est toujours née de rencontres, d’échanges d’épices et de voyages". Rougui s’est fait connaître dans la cuisine française pour ses "hybridations", par exemple un magret de canard aux mangues rôties, l’une de ses spécialités, ou avec du caviar.
La veste
Selon la chef cuisinier, "en faisant de la cuisine française mon métier, j’ai compris que l’on pouvait lever les préjugés". Portée pour la maison Petrossian, cette veste rend aussi hommage à Armen Petrossian, qui donna sa chance à "une jeune femme noire" pour renouveler la cuisine française et celle des pays de l’Est.