Tableau des combattants italiens de la section de Toulouse de Ferrante Boselli
Don Giuseppina Folia et de Léonora Sudriez
Découvert dans le grenier, ce tableau mystérieux est devenu un mythe familial pour Giuseppina Folia et sa sœur Léonora Sudriez, les filles de Ferrante Boselli.
Trois cent soixante-huit hommes y figurent en médaillons sous les ailes déployées d’un aigle couronné. À l’extrémité de ses plumes, une bannière est déroulée avec la mention en italien : "Association des combattants italiens de la Fédération française – section de Toulouse". Au sol, deux casques portent des dates : 1913 et 1918. Les plus grands portraits sont soutenus par des volutes d’acanthe et l’ensemble des visages est entouré d’une guirlande de feuilles. S’agit-il d’un panthéon des héros ? Dans l’un des médaillons apparaît le visage de Ferrante Boselli (5e en partant du haut, 2e en partant de la gauche). Que fait-il aux côtés du roi d’Italie, Victor-Emmanuel III ? Il y a là une incohérence chronologique que les deux filles de Ferrante n’ont toujours pas résolue.
L’histoire de Ferrante Boselli et de Karola Katz par leur fille Giuseppina Folia
Ferrante Boselli est né en 1903 à Fiorenzuola d’Arda, dans le nord de l’Italie. Il est le quatrième enfant d’une famille de paysans qui en comptait sept. Trop pauvres pour tous vivre à la ferme, quatre d’entre eux émigrent en France, sans parler un mot de français. Âgé de vingt ans, Ferrante s’installe comme fermier avec ses frères dans une métairie de la campagne toulousaine. "Je sais qu’en 1933, les trois frères étaient bien installés dans la société française et parlaient parfaitement le français, raconte Giuseppina. C’est alors que mon père a rencontré ma mère, Karola. Je dois dire que l’histoire de mes parents est celle d’une rencontre improbable", celle d’un Italien qui rencontre une Allemande, celle d’un catholique issu d’un milieu rural qui rencontre une juive élevée dans une famille bourgeoise et citadine, celle de deux étrangers qui vivront en France. Karola Katz, née à Francfort, entreprend des études et apprend le français et l’anglais. Cependant, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 pousse sa famille à fuir précipitamment l’Allemagne en n’emportant que quelques affaires qu’elle vend pour s’installer à Strasbourg. Destituée socialement, la famille Katz part ensuite travailler dans une ferme, près de Toulouse, tandis que Karola s’installe à Paris. Rendant régulièrement visite à sa famille, elle rencontre Ferrante.
En 1937, Karola et Ferrante décident de se marier. Le consulat d’Italie à Toulouse conseille à Karola, au regard du contexte international, de prendre la nationalité italienne de son époux. Installés en France sans en avoir la nationalité, leur situation se complique en 1940, lors de la déclaration de guerre de l’Italie à la France. Ferrante est arrêté et interné dans un camp à Mazères. Fin 1943, sous l’Occupation, Karola fuit en Italie plusieurs mois, avec sa fille Guiseppina âgée de six ans, espérant échapper aux rafles. De retour en France à la fin de la guerre, elle retrouve son époux. Karola et Ferrante conserveront toute leur vie la nationalité italienne, même s’ils ont encouragé très tôt leurs deux filles à prendre la nationalité française.
Enfant, Giuseppina n’a pas tellement posé de questions sur la trajectoire de ses parents ni sur leur arrivée en France. Certains passages de leur vie sont restés dans le mystère jusqu’au décès de sa mère. "Il a alors fallu vider la maison, y compris le grenier. C’est là qu’on a découvert le tableau qui a fait remonter des souvenirs en nous et quelques interrogations encore non élucidées. Mon père est sur la 5e ligne en partant du haut, le 2e médaillon en partant de gauche. Mais il est arrivé en France en 1923, alors que le tableau représente le contingent de soldats italiens de la section de Toulouse ayant participé à la Première Guerre mondiale…"
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