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Affiche loi contre le racisme
Loi racisme, 1er juillet 1972, MRAP, 1972 © Musée national de l’histoire de l’immigration

Loi racisme, 1er juillet 1972

Cette affiche, réalisée par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), met en valeur la loi contre le racisme de 1972. Organisation antiraciste, le Mrap a été créé en 1949 par des militants juifs venus de la Lica (Ligue internationale contre l’antisémitisme) et proches du Parti communiste, alors très puissant. Dès les années 1950, avec son mensuel Droit et Liberté ou ses grands meetings ou congrès, le Mrap joue un rôle important dans la dénonciation du racisme, de l’antisémitisme, et tous autres rejets. Il s’agit de traquer inlassablement toute attitude suspecte en matière de rapport à « l’Autre ». Très lié à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), sa vocation est d’oeuvrer sur trois plans : intellectuel, éducatif et juridique. À travers cette affiche, placardée à Paris mais aussi en province, le Mrap souhaite informer et célébrer une victoire incontestable.

Sa composition est simple : elle donne à lire l’ensemble du texte sur un fond tricolore. Si prendre connaissance du détail peut s’avérer fastidieux pour tout citoyen lambda, le Mrap entend néanmoins souligner chacune des phrases des articles de la loi, comme pour les graver dans chaque esprit. Car cette loi, dite « René Pleven » (1901-1993), du nom de ministre de la Justice (1969-73) qui a porté le projet finalement voté au Parlement à l’unanimité, a été acquise de haute lutte. En effet, dès 1959, le Mrap avait considéré l’impérieuse nécessité d’une loi face à la montée des racismes que peu de mouvements osaient dénoncer par crainte ou par inconscience. Malgré la guerre d’Algérie, l’époque était plutôt au déni. Susciter l’attention des politiques qui se traduirait par la mise en place d’un cadre législatif venant combler un manque évident est devenu l’un de ses grands combats. Pendant plusieurs années, le Mrap va jouer un rôle moteur pour convaincre une France frileuse. Malgré de nombreux avocats de renom parmi ses membres et le soutien de diverses forces politiques et syndicales, d’autres organisations antiracistes comme la Ligue des droits de l’Homme ou la Lica, de chrétiens ou d’intellectuels, il aura fallu plusieurs années pour que l’idée fasse son chemin. Après bien des vicissitudes, la loi arrive à point nommé car, en 1972 et surtout en 1973, les crimes haineux se développent de manière tragique dans l’Hexagone.

Malheureusement, cet outil législatif n’est pas utile pour endiguer le racisme car c’est plutôt l’impunité qui prévaut. Ainsi, un véritable paradoxe vient ternir cette belle affiche : si d’un côté l’État français lutte contre le racisme, de l’autre il n’agit guère pour punir les « arabicides ». En outre, si cette loi fait date, c’est bien parce qu’elle apparaît comme l’aboutissement d’un combat mais aussi parce qu’elle correspond à l’apparition d’un nouvel antiracisme incarné par le Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés), si créé en 1972 sur un mode plus axé sur la proximité et des actions de terrain.

Yvan Gastaut, historien, maître de conférences, université Côte d’Azur (Urmis)

En savoir plus :

 Immigrations, les luttes s'affichent : une sélection d'affiches issues des collections du Musée publié par la revue Hommes & Migrations dans le portfolio de son numéro "1973, l'année intense" (n°1330, juillet-septembre 2020)

Informations

Inventaire
2006.136.01
Type
Affiche
Date
Non renseignée
Auteur
MRAP