Les bureaux de Dieu

Selon une méthode qui lui est propre et qui a fait son succès, Claire Simon (Coûte que coûte – 1995-, 800 kilomètres de différence-2001- Ça brûle -2006-…) a réalisé sa fiction documentaire Les bureaux de Dieu, plaisante métaphore qui désigne les permanences du Planning familial, après un travail d’entretiens et d’enquêtes, mené entre 2000 et 2007. Comme le sujet traite d’une réalité très mouvante (évolutive ? régressive ?) : les consultations de jeunes filles et de jeunes femmes auprès des conseillères du Planning familial, il n’est pas inutile de poser quelques jalons pour différencier des situations, liées aux mœurs et aux comportements, comme aux modifications législatives. Le Planning familial est créé en 1956 pour promouvoir le contrôle des naissances. La loi Neuwirth autorisant la délivrance de préservatifs sur ordonnance est votée par le Parlement en 1967. En 1975, après des débats houleux, des pétitions, des manifestations de rues, le Parlement adopte la Loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse. Le film n’illustre pas cette chronologie, sinon que, par des témoignages distanciés, il permet d’évaluer le chemin parcouru (depuis les onéreux « voyages » à Barcelone ou ailleurs) et davantage celui qui reste à faire à travers les multiples facettes d’une société où les tabous se sont déplacés sans disparaître pour autant. Dans un immeuble bourgeois un peu décati du centre ville, il faut gravir quelques volées d’escaliers pour venir, bon gré mal gré, parler de ses misères et de ses problèmes afférents à la sexualité. C’est tout de suite que l’on va être subjugué par le travail de reconstitution de Claire Simon. Il n’est pas banal qu’une trouvaille de distribution devienne l’atout majeur d’un film documentaire ! La démarche s’avérait pourtant périlleuse : demander à de grandes comédiennes Nathalie Baye, Anne Alvaro, Rachida Brakni, Isabelle Carré, Nicole Garcia, Béatrice Dalle, Marie Laforêt, de tenir avec beaucoup d’humilité les rôles de conseillères, presque totalement investies dans l’assistanat social avec une toute petite marge laissée à leur statut de femme hors du foyer. En face ; rien que des débutantes, criantes de vérité. Forcément géniales. André Videau