Le dernier patriarche

Le jour de la naissance de Mimoun, les youyous ont retenti. Après trois filles, les Driouch avaient enfin un garçon derrière lequel les femmes de la famille se sont rangées et à qui elles se sont naturellement soumises. A 17 ans, Mimoun a décidé de quitter le Maroc pour l’Espagne où il a réussi. Devenu chef d’entreprise, il a fait venir sa famille. C’est ainsi que les choses se sont déroulées, du moins c’est ce que croit savoir la narratrice, la fille de Mimoun, qui évoque ce parcours d’immigration et les souffrances intimes qu'il engendre aujourd’hui chez elle. Car en grandissant, cette dernière prend conscience du décalage entre les valeurs, traditionnelles, sous le joug desquelles son père entend maintenir les siens et celles du pays d’adoption. Ecartelée entre deux cultures, elle raconte : « on m’avait dit tant de fois que, dans notre culture, la femme passe de l’autorité de son père à celle de son mari que je l’avais cru ». Pour conquérir sa liberté, quel choix reste-t-il si ce n’est celui de s’opposer à cette figure écrasante du patriarche, homme violent, autoritaire mais lui-même déstabilisé par la remise en cause de sa façon d’appréhender le monde ? Jusqu’au jour où la rupture se fera, brutale, et provoquera l’effondrement du patriarcat et d’un ordre qui opprime. Dans une langue râpeuse, incisive et avec virtuosité, Najat El Hachmi dit le conflit entre la première génération d’immigrés et leurs enfants, mais surtout la difficulté à dépasser les contradictions et à trouver sa place lorsqu'on vient d’ailleurs. Pour ce roman, l’auteure d’origine marocaine et qui vit en Catalogne, a reçu, en 2008, le prix de la Révélation des lettres catalanes. Maya Larguet