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La Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao

Junot Diaz donne ici, avec sa Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao, son premier roman. Après avoir été salué par la critique, son livre s’est vu gratifié du National Book Award puis du prix Pulitzer 2008. Rien moins et rien d’usurpé. Roman protéiforme qui sur le fond raconte l’histoire sur trois générations d’une famille émigrée dominicaine, installée dans le New Jersey et, sur la forme, manie une langue acrobatique et explosive qui varie les registres, croise le long et le court, le classique et le déjanté, mixe anglais, espagnol, argot et verlan.

Junot Diaz, à qui l’on doit Los Boys, un recueil de nouvelles traduit en 1998 chez 10/18 donne ici, avec sa Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao, son premier roman. Le moins que l’on puisse dire est que ce jeune écrivain, new-yorkais d’origine dominicaine, élevé dans le New Jersey, professeur d’écriture au MIT (Massachusetts Institute of Technology), a fait du bruit. Après avoir été salué par la critique, son livre s’est vu gratifié du National Book Award puis du prix Pulitzer 2008. Rien moins et rien d’usurpé. Roman protéiforme qui sur le fond raconte l’histoire sur trois générations d’une famille émigrée dominicaine, installée dans le New Jersey et, sur la forme, manie une langue acrobatique et explosive qui varie les registres, croise le long et le court, le classique et le déjanté, mixe anglais, espagnol, argot et verlan. Cette verve tient à distance les pires saloperies comme les malheurs rédhibitoires qui plombent l’existence des personnages. L’histoire, tragique, est celle d’Oscar, livrée, donc, sur un ton détaché et gouailleur. Cet Oscar, qui “ n’avait aucun des Super-Pouvoirs du mâle dominicain de base, aurait été incapable de pécho une meuf, même si sa vie en avait dépendu. Infoutu de faire du sport ou de jouer aux dominos, moins coordonné tu meurs, lançais la balle comme une gonzesse. Pigeait rien à la zik, au biz, à la danse, pas de bagout, pas de tchatche, pas de leust. Et pire que tout : pas bogosse ”. Mais voilà, le drame est que ce “ tachon ” “était resté l’enamorado ardent qui tombait éperdument amoureux pour un oui pour un non ”. Fana de Science-fiction, amateur de fantasy, apprenti écrivain qui se verrait bien devenir le Tolkien dominicain, Oscar va, indéniablement, connaître une courte vie. “ Merveilleuse ” ? Il faudrait s’entendre sur le sens de ce mot. En toile de fond, se dresse le drame des Cabral, famille frappée par le “ fukku ”, la malédiction, le mauvais œil version dominicaine. On peut trouver à l’émigration bien des raisons, et ici la description de l’enfer dictatorial du régime de Trujillo ferait s’esbigner même les pierres, Junot Diaz choisit d’éclairer son lecteur sur les croyances et pratiques culturelles dominicaines. Alors pourquoi pas cette malédiction ? “ Appelez ça de la malchance, une phénoménale dette karmique, à votre guise. (Fukku ?) N’empêche que les merdes ont commencé à pleuvoir sur la famille, quelque chose de bien, et d’aucuns diraient que ça ne s’est jamais arrêté depuis ”. Pour avoir embrassé une fille, pour être une fois de plus tombé amoureux, Oscar connaîtra, à son tour, le sort qu’ont connu avant lui, son grand-père et sa mère : un “ Colossal Passage à Tabac ”… Le récit classique des heurs et malheurs de l’exil est porté par la belle Belicia, la mère d’Oscar et de sa non moins belle et non moins impétueuse sœur, Lola. C’est à seize ans que Belicia a plongé dans “ la solitude de la Diaspora ” : “ (…) elle n’était pas une maldita ciguapa, aux pieds tournés vers l’arrière, le passé. Ses pieds étaient tournés vers l’avant, ne cessait-elle de rappeler (…).Vers l’avenir ”. Yunior, le narrateur, est le pote de chambre d’Oscar à la fac, son “ coturne ”. Il a tenté mais en vain de faire son éducation sentimentale. Amoureux de Lola, Yunior sera un temps son concubin avant de céder à ses démons machistes et dominicains de tombeur en chef. Il représente comme le double inversé d’Oscar : il est à Oscar ce que Rogojine est à Michkine. Il y a d’ailleurs de l’Idiot chez l’exemplaire Oscar, dont la vie témoigne que “ la beauté sauvera le monde ”. En cela, cette vie est peut-être “ merveilleuse ”. Mustapha Harzoune
Junot Diaz, La Brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao, éd. Plon, 2009, 295 pages, 22,90€.