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Foujita, le maître du trait

Ils se nomment Kuroda Seiki, Yasui Sôtarô, Umehara Ryûzaburo, Hanjirô Sakamoto, Zenzaburô Kojima, Tarô Okamoto, Chû Asai, Eisaku Wada, Takeji Fujishima, Yuzo Saeki, Saburo Okada, Riishirô Kawashima ou Foujita… Depuis les années 1880, au lendemain de l’instauration de l’ère Meïji (1868-1912) qui marque la modernisation et l’ouverture du Japon à l’Occident, nombreux furent les artistes japonais à venir à Paris pour des séjours plus ou moins longs. Ils ont crée, à commencer par le pionnier, Kuroda, le style Yôga, la peinture japonaise de style occidentale…

Ils se nomment Kuroda Seiki, Yasui Sôtarô, Umehara Ryûzaburo, Hanjirô Sakamoto, Zenzaburô Kojima, Tarô Okamoto, Chû Asai, Eisaku Wada, Takeji Fujishima, Yuzo Saeki, Saburo Okada, Riishirô Kawashima ou Foujita… Depuis les années 1880, au lendemain de l’instauration de l’ère Meïji (1868-1912) qui marque la modernisation et l’ouverture du Japon à l’Occident, nombreux furent les artistes japonais à venir à Paris pour des séjours plus ou moins longs. Ils ont crée, à commencer par le pionnier, Kuroda, le style Yôga, la peinture japonaise de style occidentale. En 2007 la Maison de la culture du Japon leur consacra une exposition intitulée de Kuroda à Foujita. Léonard Tsuguharu Foujita est sans doute le plus célèbre (ou le moins méconnu) de ces artistes japonais précurseurs de la peinture à l’huile au pays de l’estampe. Si la plupart de ses concitoyens et confrères furent de passage, Foujita, lui, arrivé dans la capitale en 1913, a fini par s’y installer au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par prendre, en 1955, la nationalité française et même par se convertir au catholicisme en 1959. Figure originale de L’Ecole de Paris entre 1920 et 1930, ce Japonais un brin dandy, à l’œuvre déjà personnelle, côtoya dans les rues d’une capitale cosmopolite et hospitalière les célébrités venues des quatre coins du monde : Soutine, Modigliani, Picasso… Foujita a peint de voluptueux nus féminins, des portraits, des paysages et des rues de Paris, des scènes d’intérieur mais aussi des tableaux sombres et dramatiques, ceux de la guerre, ou encore les « verts paradis des amours enfantines » sans oublier ses œuvres d’inspiration religieuse. C’est à ce travailleur infatigable et curieux, à ce créateur-frontière à l’œuvre diverse et originale que les éditions Philippe Picquier secondées par le Conseil général de l’Essonne et Anne Le Diberder, attachée de conservation au même Conseil général, on consacré ce beau livre aux riches reproductions agrémentées de photos de l’artiste. Dans sa présentation, Anne Le Diberder réussit la synthèse de la perspective historique et culturelle, de la biographie et de l’étude technique. « Foujita inventait une œuvre tout en transparence, parfois plus proche du dessin que de la peinture. Son art a suscité autant d’interrogations que d’admiration, tant la mise en œuvre semblait étrangère au savoir-faire occidental ». Sans jamais jargonner, Anne Le Diberder dévoile l’originalité des créations et les processus qui conduisent à la fusion des traditions nipponnes et françaises. Pour son lecteur, averti ou non, elle dissèque les techniques des aplats, les monochromies, les fameux et longtemps mystérieux fonds blancs opalescents, les modelés et cette élégance du trait qui donne le titre de l’ouvrage. Foujita peintre français d’origine nipponne inscrit ses créations dans une double filiation et tradition artistique. Faut-il parler de « métissage » ? L’éditeur, en introduction, avance, avec « prudence » le mot. Sans doute parce que Foujita ne s’est pas contenté de mêler des apports différents. Son œuvre reste unique, « personnelle », sans inspirateurs directs ni héritiers proclamés, née d’une de ces « ruses de l’intelligence » dont parlent Marcel Détienne et Jean-Pierre Vernant à propos de la mètis chez les Grecs (coll. Champs-Flammarion). Foujita passera les dernières années de sa vie dans sa maison-atelier de Villiers-le-Bâcle, dans la Vallée de Chevreuse, une maison qu’il est possible aujourd’hui de visiter. Il y meurt le 29 janvier 1968. Mustapha Harzoune
Foujita, le maître du trait, textes d’Anne Le Diberder, éd. Philippe Picquier, 2008, 206 pages, 29,50 €

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