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Les beaux gosses

Sans crier gare, Riad Sattouf, enfant terrible de la bédé, est passé au ciné, avec un succès qui laisse pantois. Porté par la rumeur flatteuse de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs), son premier film Les beaux gosses cartonne dès sa sortie publique.

Sans crier gare, Riad Sattouf, enfant terrible de la bédé, est passé au ciné, avec un succès qui laisse pantois. Porté par la rumeur flatteuse de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs), son premier film Les beaux gosses cartonne dès sa sortie publique. Collégiens de province (Rennes), Hervé (Vincent Lacoste) et Camel (Antony Sonigo), sont en pleins tourments glandulaires de la puberté. Ni plus beaux, ni plus moches que tout un chacun, ils ont surtout l’obsession de séduire les filles et de conclure au plus vite, plutôt qu’au mieux, pour se débarrasser d’une encombrante virginité. Le recours à divers subterfuges (des pages lingerie du catalogue de La Redoute aux ébats de la voisine épiés par la fenêtre en passant par la masturbation dans les chaussettes) n’arrive pas à calmer leur ardeur. Comme dans ses bandes dessinées (Les pauvres aventures de Jérémie, Pascal brutal, Manuel du puceau, Ma circoncision, Retour au collège, La vie secrète des jeunes…) l’auteur, qui a tout juste la trentaine, puise dans la verdeur et la fraîcheur de ses souvenirs et dans le métissage pas banal de son enfance et de son adolescence. Né en Syrie d’un père pieux et érudit, il grandit dans la Libye peu permissive du Colonel Khaddafi, pour choisir sa liberté en Bretagne et son indépendance à Paris. Il devient un précoce et insolent collaborateur de journaux satiriques et branchés (Charlie-Hebdo, Libération, Fluide Glacial, les Inrocks…) pendant que ses albums font un malheur. Résolument installés dans le désopilant ordinaire et refusant les archétypes venus de la planète « djeuns », ses personnages, en l’occurrence les beaux gosses Hervé, Camel et leurs potes, lui ressemblent. S’ils sont fortement typés c’est par des anecdotes générationnelles (la guerre des boutons qu’ils doivent mener contre l’acnée), leur trouille et leur forfanterie quant au passage à l’acte quelle que soit leur technique anticipée du « roulage de pelle », leurs déboires avec des profs ou des parents hors du coup (une mention spéciale pour Noémie Lvovsky, désopilante mère participative). Pas de révolte ou de victimisation dues à leurs ascendances sociales ou leurs déterminismes raciaux, le « beur » Camel n’aime que le hard-rock. Tous se livrent à la même séance de spiritisme et tentent (vainement) de faire bouger les verres, tourner les tables et discuter avec Hitler. Tous ont la dent dure derrière leur appareil dentaire et un cynisme de façade pour camoufler leurs sentiments. Balourds et tendres, toujours entre gags et flops, les beaux gosses de Riad Sattouf nous font oublier un moment les crises de la banlieue ou même regretter les imperfections de l’âge ingrat. André Videau
Les Beaux Gosses, de Riad Sattouf, film français en couleur, 2008 Distributeur : Pathé Distribution Durée : 1 h 30 Sortie en salle : 10 Juin 2009