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Adieu Gary

Un western post-industriel dont les colons et les capitaux sont partis (Usine Lafarge à Cité Blanche du Teil en Ardèche). Restent quelques ouvriers, immigrés ou autochtones et leurs enfants qui jouent aux cow-boys et aux indiens. Ce n’est pas une reprise classique mais une merveille estivale toute neuve. Le premier long-métrage de Nassim Amaouche est une oasis dans les torpeurs et les turpitudes de l’été.

Un western post-industriel dont les colons et les capitaux sont partis (Usine Lafarge à Cité Blanche du Teil en Ardèche). Restent quelques ouvriers, immigrés ou autochtones et leurs enfants qui jouent aux cow-boys et aux indiens. Ce n’est pas une reprise classique mais une merveille estivale toute neuve. Le premier long-métrage de Nassim Amaouche est une oasis dans les torpeurs et les turpitudes de l’été. Après plusieurs semaines d’incarcération, fusse pour des fautes vénielles, on recouvre la liberté et ses espaces avec des yeux émerveillés et presque de l’allégresse. Il en faut à Samir (Yasmine Belmadi, voir ci-après notre hommage à ce jeune comédien plein de promesses qui vient de décéder brutalement), franco-beur et enfant du pays, de retour dans le bled où sa jeunesse a galéré et où les siens vivent encore dans les accommodements de la précarité. Bourgade fantôme comme un décor à l’abandon où les rêves s’étiolent. Francis son père, humaniste bougon (Jean-Pierre Bacri, économe et admirable) ne relancera pas les luttes syndicales (le local a été transformé en mosquée où les chômeurs musulmans se prosternent). Il ne remettra même pas en route sa machine qu’il entretient comme une relique. Hicham, son frangin, ne rejoindra pas le pays dit d’origine. Déguisé en souris, il assure les promotions fromage du supermarché (Mohamed Areski, remarqué dans la série policière Les bleus, confirme des dons épatants). Son copain José, colosse immature (Alexandre Bonnin) a beau fixer l’écran de leur télé fatiguée, ce n’est pas son père en cavale qui surgira sous les traits de Gary Cooper. Cloué dans son fauteuil, Abdel (Hab Eddine Sebiane, authentique champion paralympique) continue à tromper son monde et à tirer profit de son handicap pour écouler sa camelote… Si la classe ouvrière, ou ce qu’il en reste, n’ira pas au paradis, y a-t-il pour autant de quoi désespérer ? Et faire un film misérabiliste, larmoyant, belliqueux ? Nassim Amaouche se montre très déterminé à assurer le contraire. Dans son court-métrage expérimental De l’autre côté, déjà interprété par son ami Yasmine Belmadi, il abordait les mêmes thèmes et appliquait les mêmes principes de « réalisme transcendé ». Déjà, il affirmait : “Les pauvres ont droit à un enchantement du réel. Et les prolos aux projecteurs, aux travellings, au 35 mm !” Et puis il y a aussi pour cela les femmes qui se rebellent : bouleversante Maria (Dominique Raymond), mère courage et amoureuse assoupie comme la belle au bois dormant ; radieuse Nejma (Sabrina Ouazzani) comme une étoile hors d’atteinte du quotidien. Et encore les exigences d’une interprétation sans faille, jusque dans les rôles secondaires (Bernard Blancan, Abdelhafid Métalsi,…). Certes le train ne sifflera plus jamais pour desservir la cité. Les rails ne sont plus que des raccourcis pour les automobilistes locaux. Mais les personnages et les images de Nassim Amaouche resteront inscrits dans nos mémoires, sur la lancinante musique du Trio Joubran. Adieu Yasmine La nouvelle est tombée, laconique. Victime d’un accident de scooter, à l’embranchement du Pont de Sully et du Boulevard Henri IV, le jeune comédien Yasmine Belmadi est décédé des suites de ses blessures au matin du 19 juillet 2009, à l’Hôpital de La Pitié Salpétrière où il avait été transporté. Yasmine avait 33 ans. L’âge des héros foudroyés. Il aurait dû se méfier. Déjà riche d’une dizaine de films, souvent représentatifs d’un cinéma d’auteur, audacieux et exigeant, sa carrière venait de connaître une sorte de consécration. Le personnage de Samir dans Adieu Gary de Nassim Amaouche, qu’il interprète d’égal à égal avec Jean-Pierre Bacri, avait eu les faveurs de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes . Il ne lui aura manqué que quelques heures pour connaître le succès du public. Et ne pas nous laisser définitivement l’impression d’un parcours brisé avant d’être accompli. Prévert ou Ferré auraient pu chanter cet enfant d’Aubervilliers. Pasolini le porter à l’écran parmi ses ragazzi. Il a pris sa place parmi les meilleurs de sa génération (Selim Kéchiouche, Jalil Lespert, Nicolas Cazalé, Aymen Saighi, Ouassini Embarek). Il est mort comme James Dean. Filmographie : 1997 : Les corps ouverts de Sébastien Lifshitz 1998 : Les amants criminels de François Ozon 1999 : Les terres froides de Sébastien Lifschitz 2000 : Un dérangement considérable de Bernard Stora 2001 : Les gens en maillot de bain ne sont pas forcément superficiels de Eric Assous 2003 : Filles uniques de Pierre Jolivet Qui a tué Bambi de Gilles Marchand 2004 : Grande école de Robert Solis Wild Side de Sébastien Lifshitz 2008 Beur-blanc-rouge de Mahmoud Zemouri La coupable de Laetitia Masson 2009 : Adieu Gary de Nassim Amaouche On le verra une dernière fois aux côtés de son ami Jalil Lespert dans Pigalle, série policière sur Canal +. [André Videau]
Adieu Gary, un film de Nassim Amaouche.France, 2009. Durée : 1h15. Production : Les Films A4, StudioCanal, Canal +, Rhône-Alpes Cinéma Distribution : StudioCanal

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