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L’armée du crime, film français de Robert Guédiguian

Sous des titres divers : l’affiche rouge, l’affaire Manouchian... l’épisode est passé à l’histoire. Le très beau poème d’Aragon, mis en musique par Léo Ferré, est ancré dans nos mémoires. Il n’y a pas de surprise à attendre du dénouement et le film peut commencer par la fin : la pathétique énumération des fusillés du Mont Valérien, les 23 héros « aux noms difficiles à prononcer », que l’occupant et ses sbires ont placardé en médaillon sur les murs de la ville, devenus martyrs ce 21 février 1944.

Sous des titres divers : l’affiche rouge, l’affaire Manouchian… l’épisode est passé à l’histoire. Le très beau poème d’Aragon, mis en musique par Léo Ferré, est ancré dans nos mémoires. Il n’y a pas de surprise à attendre du dénouement et le film peut commencer par la fin : la pathétique énumération des fusillés du Mont Valérien, les 23 héros « aux noms difficiles à prononcer », que l’occupant et ses sbires ont placardé en médaillon sur les murs de la ville, devenus martyrs ce 21 février 1944. Dans une période idéologiquement molle et tordue, où tout est dans tout et où les tièdes plastronnent, on comprend que Guédiguian ait jugé utile de quitter pour un temps (pour un temps seulement et de manière toute relative*) ses compagnons de l’Estaque, pour se plonger dans un passé qui vibre au présent dans son cœur d’Arménien, de Communiste et de patriote inquiet du mauvais sort que l’on réserve parfois aux étrangers. Contre des mémoires courtes, une mémoire fertile. Voici donc reconstituée l’épopée tragique d’un groupe de résistants des FTP-MOI**. Groupe hétéroclite comprenant des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes, souvent juifs, souvent originaires d’Europe centrale (Polonais, Roumains, Hongrois…). La hiérarchie, excédée par des actions d’éclat, plus dangereuses que productives, les oblige à se structurer. Ils choisissent comme chef, contre toute attente, Missak Manouchian, un poète arménien pacifiste, éperdument amoureux de la troublante Mélinée (Virginie Ledoyen), personnage à la fois humble et charismatique qui tout en imposant ses méthodes va devoir modifier son comportement. Simon Abkarian donne toute la mesure du personnage. Il est tout simplement admirable. Il domine la situation, lui que les passions brûlent et que les contradictions taraudent. Il impose la rigueur et la discipline à de jeunes acteurs aussi piaffants que leurs personnages (des nouveaux venus dans « la troupe ») : Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet , Adrien Jolivet - pour le fun celui-ci campe un Henri Krasuki en culottes courtes…*** Les attentats vont se multiplier dans « le gai Paris » de la collaboration. Le châtiment sera terrible avec la participation active de diverses espèces de salauds, des concierges délateurs aux flics tortionnaires, des petits-bourgeois antisémites, antisoviétiques, anti tout ce qui ne sert pas leurs intérêts. La belle fresque de Robert Guédiguian nous invite à la vigilance. Pour que « les manouchian » ne se soient pas sacrifiés pour rien. *Quelques-uns des fidèles sont là : Gérard Meylan, Ariane Ascaride et l’incroyable Darroussin qui trouve encore le moyen de crever l’écran dans le contre-emploi du pire méchant : le commissaire Pujol, traître intégral, couard et libidineux. **Franc-tireur et partisan. Main d’œuvre immigrée. ***Rescapé des camps, il devint secrétaire général de la CGT, très populaire et haut en couleurs. [André Videau]

L’armée du crime, film français de Robert Guédiguian Avec Simon Abkarian, Virginie Ledoyen, Robinson Stévenin Durée : 2h19min Date de sortie : 16 septembre 2009 Distribution : Studio Canal

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