Les Algériens à Aix-en-Provence
Cahiers Nord-Africains, n°90-91, juin-juillet, aout-septembre 1962
Aix-en-Provence n’apparaît pas un comme des principaux foyers d’accueil de l’immigration étrangère dans le Sud-Est de la France où Marseille, pour ne s’en tenir qu’aux Bouches-du-Rhône, capte l’essentiel des flux.
L’ancienne capitale de la Provence, devenue sous-préfecture, est quelque peu endormie au moment où, dans la seconde moitié du XIXe siècle, s’enclenchent des dynamiques migratoires massives suscitées par l’essor industriel et commercial de la région marseillaise. Si la Première Guerre mondiale marque l’amorce d’une croissance démographique, la ville conserve une image élitiste, bourgeoise et intellectuelle que lui confèrent son passé et son patrimoine.
La restructuration de l’économie marseillaise qu’implique l’effondrement du commerce colonial dans les années 1950 entraîne cependant une très forte augmentation de la population qui double entre 1954 et 1974. L’installation des cadres des entreprises environnantes, souvent de haute technologie, ne modifie cependant pas la structure socio-professionnelle de la population aixoise au sein de laquelle les professions libérales sont fortement représentées notamment en raison de la présence de la Cour d’appel. Aix se présente donc comme une ville qui dispose d’une importante fonction résidentielle.
Si l’essentiel de la croissance démographique résulte donc de migrations intérieures souvent qualifiées, le recours à la main-d’œuvre étrangère s’avère indispensable pour faire face à la croissance urbaine. Mireille Arco en fait l’objet d’étude de son mémoire de DES en géographie dont est tiré l’article publié en 1961 dans les Cahiers Nord-Africains. Inscrit dans la tradition de l’école française de géographie, très axée sur l’analyse régionale, et révélateur d’une "nouvelle géographie" fortement ancrée dans les sciences sociales, dont elle utilise les outils et les méthodes, cette étude présente les caractéristiques démographiques et sociales des immigrés algériens.
Au nombre d’un millier, soit 2% de la population locale, ils s’inscrivent dans le flux croissant en provenance d’Algérie que connaît la région depuis la fin de la guerre. Le recensement de 1955 fait ainsi état de 21 000 citoyens musulmans résidant dans le département des Bouches-du-Rhône. Provenant surtout de la région de Tlemcen, ils trouvent pour l’essentiel à s’employer dans le bâtiment et les travaux publics, stimulés par les plans d’urbanisation et de logement lancés au début des années 1950. L’étude présente aussi l’intérêt et l’originalité pour l’époque de mettre l’accent sur les pratiques culturelles et transnationales des migrants, même si le propos est empreint des conceptions ethnicistes et assimilationnistes en cours à l’époque.
Stéphane Mourlane
L’ensemble des Cahiers nord-africains, et des Documents nord-africains, est conservé au centre de ressources Abdelmalek Sayad et est disponible à la consultation. Les deux titres ont également été numérisés et sont consultables via le portail documentaire de la médiathèque.
Pour en savoir plus :
À l’occasion de l’exposition Vies d’exil - 1954-1962. Des Algériens en France pendant la guerre d’Algérie présentée au Musée du 9 octobre 2012 au 19 mai 2013, un numéro des Cahiers est présenté sur le site chaque mois :
- Les Cahiers Nord-Africains
- Familles nord-africaines en "bidonvilles", Cahiers Nord-Africains, n°89, avril-mai 1962
- Le logement des immigrés nord-africains, Cahiers Nord-Africains, n°52 et 54, 1956
- Coups d'œil sur l'emploi de la main-d'œuvre nord-africaine, Cahier Nord-Africains, n°73, juin-juill 1959
- En Meurthe-et-Moselle parmi les Africains du Nord, Cahiers Nord-Africains, n°88, février-mars 1962
- Les Algériens en France dans la littérature maghrébine, Cahier Nord-Africains n°71, février-mars 1959