Archives

Chaque jour est une fête

Contre vents et marées, guerres à répétition, instabilité politique, fractures ethniques, invasions, occupations, identités en miettes, le Liban a réussi à préserver une production cinématographique exceptionnelle. Prouesse d’autant plus notable dans un Proche-Orient en ébullition que les factions exacerbées par le conflit israélo-palestinien, rivalisaient de censures peu enclines à la liberté d’expression. Dernière spécificité, et non la moindre, ce cinéma de résistance est souvent réalisé par des femmes.

Contre vents et marées, guerres à répétition, instabilité politique, fractures ethniques, invasions, occupations, identités en miettes, le Liban a réussi à préserver une production cinématographique exceptionnelle. Prouesse d’autant plus notable dans un Proche-Orient en ébullition que les factions exacerbées par le conflit israélo-palestinien, rivalisaient de censures peu enclines à la liberté d’expression. Dernière spécificité, et non la moindre, ce cinéma de résistance est souvent réalisé par des femmes. On peut ainsi citer l’immense succès de Nadine Labaki, Caramel en 2007 (500 000 entrées en France, 100 000 au Liban). La part importante que Joana Hadjithomas prend auprès de Khalil Joreige dans leur travail commun (A perfect day en 2006). Les films de Danièle Arbid (Dans les champs de bataille en 2004), de Randa Chahal Sabbag (Cerf volant en 2003). Pour conforter cette bonne impression, voici le film prometteur d’une jeune débutante : Dima el Horr, Chaque jour est une fête. Trois jeunes femmes, deux libanaises et une palestinienne, qui ne se connaissent pas mais ont la faculté de s’exprimer indifféremment en Français ou en Arabe, ont pris le même bus à Beyrouth qui doit les conduire dans l’arrière-pays, à la prison de Mermel. Pour des motivations que l’on ne va pas tarder à découvrir, car elles ont la parole facile, elles quittent une ville en fête avec drapeaux, guirlandes, défilés, slogans, puisqu’on commémore le jour de l’Indépendance. Elles ont de bonnes raisons de tourner le dos aux réjouissances populaires et le titre du film se chargera alors d’ironie. Il s’agit de Tamara, Lina et Hala (respectivement Manal Khader, Raïa Haïder et Hiam Abbas), toutes trois vêtues de tenues extravagantes, peu adaptées aux conditions d’un voyage à travers le désert. La première a assisté à l’arrestation de son mari le jour de leurs noces, au bout d’une course poursuite dans un tunnel de cauchemar. La deuxième, en instance de divorce, doit obtenir l’agrément et la signature de son mari interné pour boucler un acte de séparation, sans cesse égaré dans le fatras des formalités. La troisième ne vient pas voir un détenu, mais un gardien. Elle n’est pas en meilleure position que les autres. Elle transporte dans son sac à main, l’arme de service qu’il a oubliée lors de sa dernière permission . Le pays est aride. La chaleur accablante. Les compagnons de voyage peu amènes ; mais, malgré quelques incidents, les choses ne se déroulent pas si mal. Soudain tout bascule. Le bus est attaqué par des tueurs venus de nulle part. Le jovial chauffeur reçoit une balle en pleine tête. La panique est générale et les fâcheuses rencontres se multiplient parmi les piaillements de poulets échappés de leurs volières. Alors les trois passagères se sauvent comme des contrebandières et le film franchit allègrement les frontières du fantastique. Entre fantasmes et frayeurs, confidences et complicités, reconquête de la liberté malgré la gène des talons aiguilles. Un film tout en détours, cocasseries et incongruités qui loin de tout « docu-drama » nous propose une rêverie libanaise qui a plus que les apparences du réel. André Videau
Date de sortie : 27 Janvier 2010 Réalisé par : Dima El Horr Avec : Hiam Abbass , Manal Khader , Karim Saleh Durée : 1h25min Pays de production : France , Germany , Lebanon Distributeur : Sophie Dulac Distribution